L’abbé Hilaire Vernier lance à partir de septembre une série de formation apologétique qui sera disponible semaine après semaine sur claves.org. Nous préparons ce dossier dès maintenant en envisageant le sujet dans son actualité, et en proposant en juillet et août un premier ensemble de conférences introductives. Il nous offre aujourd’hui un tour d’horizon des dernières publications et avancées dans un domaine qui continue – heureusement – de passionner quelques chrétiens.
Claves.org : Après Dieu, la science, les preuves de MM. Bonnassies et Bolloré, la réponse du P. François Euvé, voici Soyez rationnel, devenez catholique, de Matthieu Lavagna. Alors que notre monde n’a jamais semblé aussi loin de Dieu, les catholiques continuent de se demander comment le lui faire connaître. Faut-il s’en réjouir ?
Abbé Hilaire Vernier, FSSP : Il faut admettre que l’activité éditoriale a été intense cette année pour le domaine de l’apologétique (défense de la foi), avec cependant des modes et des productions bien différentes. Le plus fort retentissement a certainement été pour le premier livre que vous citez, celui de MM. Bonnassies et Bolloré, servi par une publicité abondante. Il présente de vraies qualités tout en prêtant le flanc à certaines critiques qui semblent justifiées, notamment de présenter sans vraiment les hiérarchiser un grand nombre d’arguments qui se situent à des plans très différents.
Ainsi, il peut laisser à penser que l’existence de Dieu, objet de la métaphysique, puisse être l’aboutissement immédiat et nécessaire d’une démonstration scientifique. Cette erreur épistémologique pourrait faire dépendre la pérennité de la philosophie, sagesse permettant de connaître le réel selon ses causes les plus hautes, de certaines des sciences expérimentales, par nature plus chancelantes, moins certaines, dont les découvertes sont susceptibles de rebondissement indéfinis ou presque.
Claves.org : Quelle serait la différence avec le livre de Matthieu Lavagna ?
Abbé HV : Au contraire, Soyez rationnel, devenez catholique, présente un plan bien classique et convenu, celui de l’apologétique catholique depuis le XIXe siècle. On commence par défendre l’existence de Dieu (première partie : théisme), puis celle de Jésus et sa divinité (deuxième partie : christianisme), et enfin on aborde la divinité de l’Église par la défense de ses principaux dogmes et l’analyse que quelques miracles : eucharistiques, mariaux, médicaux…(troisième partie : catholicisme). C’est approximativement le plan que l’on retrouve dans les anciens manuels d’apologétique, étudiés avec soin dans tous les séminaires jusqu’il y a quelques décennies. C’était aussi le plan adopté par Frédéric Guillaud en 2015 dans Catholix Reloaded, un livre dont M. Lavagna s’inspire ouvertement.
Claves.org : Qu’apporte ce nouvel ouvrage, s’il reprend les raisonnements classiques ?
Abbé HV : S’il est vrai que l’on peut se réjouir de ces nouvelles publications francophones, ce soubresaut apologétique chez nous n’est que peu de chose en comparaison de la dynamique aujourd’hui à l’œuvre dans le monde anglo-saxon : tant chez les catholiques que chez les protestants, la défense de l’existence de Dieu, de la véracité des Évangiles, dans un monde matérialiste et agnostique, reviennent en force. Matthieu Lavagna a le mérite, comme c’était le cas déjà de Frédéric Guillaud et du Père Louis-Marie de Blignières (Le christianisme est crédible) il y a quelques années, d’offrir une synthèse argumentative qui tient compte des avancées exégétiques et archéologiques, notamment celles mises à disposition par les américains, pour renouveler notre apologétique francophone.
Claves.org : Un ouvrage classique mais avec un contenu bien mis à jour donc ?
Abbé HV : Ce n’est pas seulement le matériau de fond qui est actualisé, ce sont aussi les thèmes abordés dans les grandes parties du plan classique de l’apologétique : les objections scientifiques contemporaines soulevées par l’auteur en première partie notamment, et auxquelles il apporte des réponses, sont celles que l’on entend souvent autour de nous.
Il répond aussi de manière directe aux poncifs habituels contre l’Église : les scandales qui décrédibilisent l’institution, le refus de la Tradition, de l’infaillibilité pontificale, des dogmes qui concernent la Sainte Vierge, les saints, le purgatoire…
Claves.org : Ce résumé peut donc être utile pour des catholiques désireux de répondre aux questions de leurs contemporains ?
Abbé HV : Assurément. Comme c’était déjà le mérite du livre de Frédéric Guillaud, Soyez rationnel, devenez catholique, fournit aux catholiques du XXIe siècle une batterie de réponses argumentées et directes, susceptibles de faire face à un certain nombre d’objections contemporaines. Il faut s’en réjouir et le recommander pour cela. On peut cependant nuancer en regrettant que la divinité de l’Église ne soit pas plus directement établie, par la démonstration rigoureuse de son identification au Royaume des cieux fondé par le Christ.
On aurait pu également souhaiter que l’argumentation soit plus précisément référencée et détaillée (notamment celle de la partie théisme), afin de permettre à ceux qui voudraient approfondir de creuser tel ou tel sujet plus avant, pour répondre à une question en particulier.
Claves.org : Vous proposerez l’an prochain une série de formation apologétique dont les épisodes seront diffusés chaque semaine sur Claves.org, quel est le plan et l’approche que vous comptez adopter ? Que pensez-vous apporter par rapport à ces dernières publications ?
Abbé HV : Le plan que nous adopterons est bien le schéma traditionnel de l’apologétique. On ouvrira l’année par introduction à la notion de vérité, à l’harmonie de la foi et de la raison et à la nature de l’apologétique, son importance et son but. Puis dans une première grande partie (théisme), on traitera de la démonstrabilité de l’existence de Dieu, de ses preuves, de la possibilité d’y parvenir par la science, et on répondra aux objections les plus répandues. Dans une seconde partie (christianisme) on s’intéressera au personnage de Jésus, aux témoignages qui nous le font connaître – les Évangiles – à la figure qui y est présentée (prophète, thaumaturge, ressuscité), à sa divinité. Dans une troisième partie (catholicisme), on étudiera attentivement la fondation de l’Église par le Christ, et donc sa divinité, l’unicité de ce moyen de salut, les difficultés liées à sa composante humaine et historique faillible. Chaque partie sera complétée et illustrée par des exemples concrets : application de telle théorie scientifique à la question de l’existence de Dieu, cas récents de miracles, objections fréquentes et réponses possibles…
Claves.org : En conclusion, que penser de ce regain d’intérêt pour l’apologétique catholique ?
Abbé HV : Il faut assurément s’en réjouir et profiter des réflexions qui sont menées pour enraciner plus profondément notre foi et affermir les fondations rationnelles de notre témoignage ! Restons cependant lucides sur un point important : une véritable apologétique catholique ne sera pleinement fructueuse que dans la mesure où elle demeurera profondément attachée à la théologie traditionnelle de l’Église. Elle doit ainsi s’inscrire dans la hiérarchie des sciences telle que la concevait saint Thomas, gardant ainsi sa place et sa finalité propres, sans qu’on espère aller à travers elle au-delà de ce qu’elle peut nous fournir. Ce peut être l’écueil de certaines tentatives récentes qui promettent trop et risquent de fragiliser l’ensemble. Une démonstration scientifique peut s’inscrire dans la partie négative de l’apologétique, qui écarte les objections – en l’occurrence le matérialisme – contre la foi, mais ne peut pas parvenir jusqu’à démontrer positivement l’existence de Dieu, encore moins l’origine et la mission divine de l’Église !
En outre, si l’acte de foi n’est pas un sentiment, il n’est pas non plus la conclusion logique d’un argumentaire apologétique. En effet, l’acte de foi est un acte de l’intelligence, qui, surnaturellement mue par la volonté, fait confiance en Dieu qui ne peut ni se tromper ni nous tromper. La foi fait adhérer l’intelligence à la Révélation, qui la dépassera toujours, mais dont elle peut démontrer et défendre la crédibilité.