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Le vœu de Louis XIII, providence sur la France

1637 : sortie exsange d’un demi-siècle de guerres de religion – sait-on seulement qu’il y en eu huit ? – la France s’apaise enfin sous le règne d’Henri IV et surtout de son fils Louis, treizième du nom. Cette accalmie salutaire semble pourtant ne pas vouloir durer…

La France soupire après un dauphin

Aussitôt retrouvée, à peine goûtée, voici que la paix du royaume est de nouveau menacée : souverain pondéré et sage, Louis XIII ne semble pas heureux en ménage, les rumeurs les plus extravagantes courent sur la vie conjugale du couple royal, et quoi qu’il en soit, le trône demeure en mal d’héritier, après plus de vingt ans de mariage de notre prince avec Anne d’Autriche.

Louis XIII était un vrai dévot – au sens noble du terme, celui que venait de lui donner le grand saint François de Sales. Il était en particulier dévot de Notre Dame. Soutenant depuis plusieurs années une confrérie de pénitents toulousains placée sous la protection de la Vierge, il rend visite en 1632 au sanctuaire fondé grâce à sa libéralité et y prononce un premier vœu solennel pour que lui soit accordé un héritier. En 1636 le roi avait fait à Notre-Dame de Paris un nouveau vœu, assorti de la promesse d’y entretenir une lampe perpétuelle devant l’autel de Notre Dame. Ces deux épisodes ne sont que des exemples des nombreux exercices de dévotion accomplis par les souverains pour demander à la Vierge cette grâce tant espérée : la naissance d’un héritier qui ferait taire les médisants et garantirait surtout à la France la stabilité à laquelle elle aspire avec tant d’ardeur après un siècle de fer et de sang.

Première intervention divine

Du même âge que les souverains, Anne de Goulaine, jeune fille de moyenne noblesse bretonne, était entrée en 1629 au monastère des Bénédictines du Calvaire de Morlaix, après avoir longuement bataillé contre la volonté contraire de ses parents. Elle y mena sous le nom de Mère Anne-Marie de Jésus Crucifié une vie exemplaire, illustrée par des phénomènes mystiques culminant dans la réception des stigmates et dans une profonde union chaque vendredi aux souffrances de la Passion. Sa renommée dépassant les frontières de la Basse Bretagne, elle est appelée au couvent de Paris, car un certain frère Joseph souhaite éprouver par lui-même la véracité des grâces reçues par la jeune finistérienne. Or ce frère Joseph, dans le monde François Leclerc du Tremblay, n’est autre que la fameuse « éminence grise », le conseiller intime du cardinal de Richelieu et celui que le principal ministre du roi aime à charger des missions les plus importantes et secrètes. Protégé par la discrétion de son habit capucin – gris, d’où son surnom – il parcourt l’Europe en tous sens pour y représenter et défendre les intérêts de la France.

Le 15 juillet 1636, la Sainte Vierge apparaît à Anne, le lendemain c’est au tour de Notre-Seigneur, qui lui demande que Louis XIII fasse honorer sa sainte mère dans le royaume d’une manière particulière, afin d’en faire « la plus heureuse patrie qui soit sous le ciel ». Par l’entremise du frère Joseph, le message remonte bientôt jusqu’à Richelieu.

Un autre messager

Le 3 novembre 1637, la mère de Dieu apparut au frère Fiacre, Denis Antheaume, en religion frère Fiacre de Sainte-Marguerite, des augustins déchaussés de Notre-Dame des Victoires à Paris. Elle lui indiqua qu’Anne d’Autriche devait demander publiquement trois neuvaines de messes et de rosaires en l’honneur de la Sainte Vierge, à Notre-Dame de Paris, Notre-Dame des Victoires et au sanctuaire Notre-Dame-de-Grâces de Cotignac, dans le Var. Après enquête des autorités ecclésiastiques, les révélations du religieux sont considérées comme fiables et il est admis à s’entretenir avec les souverains.

Les trois neuvaines et le vœu des souverains

Devant la convergence des signaux, Louis XIII et Anne d’Autriche font immédiatement débuter les neuvaines demandées par la Vierge, qui seront célébrées du 8 novembre au 5 décembre 1637. En janvier suivant, la reine prend conscience qu’elle est enceinte. Le 7 février, les souverains convoquent frère Fiacre et l’envoient en mission à Cotignac pour rendre grâces et demander la protection de Notre-Dame durant toute la grossesse qui commence. Le 10 février, le roi signe le vœu qui consacre le royaume de France à la Vierge. Par ce vœu, Louis XIII instaure les processions du 15 août et fait de la solennité liturgique de l’Assomption de Marie la « fête nationale » du pays. Chaque église se devait de consacrer sa chapelle principale à Notre-Dame, si elle n’était pas déjà placée sous son vocable. Le roi fit par ailleurs vœu de doter Notre-Dame de Paris d’un nouveau maître-autel monumental, qui le figurerait en train d’offrir à la Vierge la couronne de France. Sa mort prématurée arrêtera le projet, qui ne reprendra qu’au siècle suivant, pour aboutir en 1725 en un profond remaniement du chœur de la cathédrale. Le monumental ensemble que domine la Pieta de Nicolas Coustou, aux pieds de laquelle s’agenouille un roi dévot et reconnaissant, tenant en main la couronne qu’il offre à la véritable maîtresse du royaume, a été heureusement préservé lors du récent incendie.

Épilogue

Le 5 septembre 1638, neuf mois exactement après la fin des trois neuvaines de messes, l’enfant de la promesse naît au château de Saint-Germain-en-Laye. Il est appelé Louis Dieudonné, en reconnaissance de la disposition providentielle qui présida à sa conception, et sera plus connu sous son nom de règne : Louis XIV, le Roi Soleil.

Le texte du vœu de Louis XIII

À ces causes, nous avons déclaré et nous déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse Vierge Marie pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre État, notre couronne et nos sujets, et nous avertissons le sieur Archevêque de Paris, et néanmoins lui enjoignons que tous les ans, fête et jour de l’Assomption, il fasse faire commémoration de notre présente déclaration à la grand’messe, qui se dira en son église cathédrale, et qu’après les vêpres dudit jour, il soit fait une procession en la dite église, à laquelle assisteront toutes les compagnies souveraines et les corps de ville, avec pareilles cérémonies que celles qui s’observent aux processions générales les plus solennelles; ce que nous voulons aussi être fait en toutes les églises, tant paroissiales que celles des monastères de la dite ville et faubourg, et en toutes les villes, bourgs et villages dudit diocèse de Paris. Exhortons pareillement les archevêques et évêques de notre royaume, et néanmoins leur enjoignons de faire célébrer la même solennité en leurs églises épiscopales, et autres de leurs diocèses, entendant qu’à la dite cérémonie les cours de Parlement et autres compagnies souveraines, et les principaux officiers des villes y soient présents, et d’avertir tous les peuples d’avoir une dévotion particulière à la Vierge, d’implorer en ce jour sa protection, afin que, sous une si puissante patronne, notre royaume soit à couvert de toutes les entreprises de nos ennemis, qu’il jouisse longtemps d’une bonne paix, que Dieu y soit servi et révéré si saintement que nous et nos sujets puissions arriver heureusement à la dernière fin pour laquelle nous avons tous été créés, car tel est notre plaisir.

Donné en Saint-Germain-en-Laye, le dixième jour de février, l’an de grâce mil six cent trente-huit, et de notre règne le vingut-huitième.

“Signé: LOUIS”

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