« Ce livre a pour but de t’encourager, de te redonner du courage, si tu en manques, et de t’aider à entretenir cette belle vertu [d’espérance] » (p. 108). Voilà l’objectif affiché par l’abbé Cyril Gordien, prêtre du diocèse de Paris, lorsqu’il rassemblait ses notes en vue de la publication d’un livre destiné à aider les catholiques, et spécialement les jeunes, à trouver le cap du Ciel et à le maintenir contre vents et marées.
La maladie du cancer et le décès de l’auteur arrêtèrent ce projet pour un temps : c’est donc une publication posthume que proposent les éditions Artège[1]Abbé Cyril Gordien, Le courage de la foi, édition Artège, 2024, 196 pages., à partir des écrits et plans de l’abbé Gordien. Le but visé est clair, comme le précisait l’auteur à l’éditeur : « depuis douze ans que je suis prêtre, mon ministère auprès des jeunes m’a conduit à constater qu’une des vertus ô combien nécessaire aujourd’hui était le courage. Aussi le désir d’écrire un livre sur le courage m’est venu. Je souhaiterais l’adresser essentiellement aux jeunes, dans un style direct et exhortatif » (p. 9).
Après une rapide préface de l’abbé Thomas Chapuis, qui trace à grand trait le portrait sacerdotal de l’abbé Gordien, viennent cinq chapitres que nous répartirions en deux catégories : les quatre premiers, cœur de l’ouvrage initialement prévu par l’abbé Gordien, et le dernier : son testament spirituel.
Les quatre premiers chapitres
Les quatre premiers chapitres constituent l’ouvrage initialement prévu par l’Abbé Gordien, le style en est simple, clair et direct, avec souvent des apostrophes au lecteur. Ce dernier se laisse mener par des paragraphes courts, thématiques et numérotés, dans la veine du best-seller de la fin du Moyen-Âge, L’Imitation de Jésus-Christ. La table des matières permet ainsi de se reporter rapidement à tel ou tel thème traité dans l’ouvrage.
Il s’agit d’abord de « Chercher le Seigneur et sa force » (chapitre 1) : l’abbé insiste sur la connaissance personnelle du Christ par l’étude, la méditation des Évangiles et la prière.
Si vous avez la force et l’amour, mais sans l’intelligence, votre foi se réduira à de vagues sentiments fumeux ; elle n’aura pas d’ancrage solide et elle suivra tout vent de doctrine… Si vous avez la force et l’intelligence, mais sans l’amour, votre foi court le risque de se glacer, de se durcir. Vous aurez l’enthousiasme de la foi qui cherche, qui questionne, mais le danger est de contracter une foi cérébrale qui méprise le plus faible. Si vous avez l’amour et l’intelligence, mais sans la force, vous ne tiendrez pas, et vous allez rougir de l’Évangile[2]p .16.
C’est ensuite « Le courage de la sainteté » (chapitre 2) : puisque nous savons maintenant qui est Dieu et ce qu’il attend de nous, il faut résolument le suivre par l’excellence de la sainteté ! Ce qui demande un style de vie radical, et non en demi-teinte, et des moyens proportionnés comme le jeûne, la pureté, l’engagement du service, mais aussi les grands engagements, mariage, sacerdoce, don total de sa vie. Deux apostrophes directes pour illustrer ce propos:
Sois un bâtisseur. Des milliers d’hommes individualistes vivant côte à côte ne font pas un peuple. Il y manque une âme forgée par le souci des autres et le sens du sacrifice, une âme façonnée par les générations qui l’ont pétrie de leur humanité. C’est cette âme-là que tu dois retrouver pour servir ta patrie, l’âme française qui a donné des héros et des saints[…] ‘‘Il y a grande pitié au Royaume de France’’, disait Jeanne d’Arc. À nouveau, aujourd’hui, la France attend le passage des saints[3]p. 51.
Ce que Jésus demande, c’est votre coeur[4]p. 62.
Le troisième chapitre est ainsi intitulé : « Il nous en faut, du courage, pour témoigner de la vérité ». L’idée est simple : détenteur d’un trésor, ayant fait le choix de la radicalité évangélique et de suivre le Christ sur le chemin exigeant de la sainteté, le chrétien ne peut pas garder pour lui les richesses qu’il possède ! Tout baptisé est appelé à témoigner, à être un relais, un écho du Seigneur, une lumière sur la route de ses contemporains, et ce malgré les épreuves, les incompréhensions et les croix du chemin. Deux citations, parmi tant d’autres, pour illustrer ce chapitre
Si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde », précise l’abbé en reprenant les paroles de sainte Catherine de Sienne [5]p. 94.
‘‘Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu’’(Rm 8, 28). De tout ce qui m’arrive, Dieu est capable de faire jaillir un bien plus grand. La plupart du temps, nous ne percevons pas le bien que Dieu peut faire jaillir d’une épreuve. Cependant, dans la foi, je sais que l’amour miséricordieux de Notre Seigneur est victorieux de tout mal, que la miséricorde infinie du Seigneur triomphe toujours. ‘‘Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?’’[6]p. 120.
Enfin, le quatrième chapitre a des airs de conclusion et de triomphe anticipé : « Que la joie de Dieu ne quitte pas ton cœur ». Il rappelle que le Christ a déjà gagné ! Il n’y a qu’à demeurer avec lui, ce que nous apprendra la Très sainte Vierge Marie.
Citant Benoît XVI, qui l’a profondément marqué, l’auteur rappelle : « Un chrétien ne peut pas être triste quand il a rencontré le Christ qui a donné sa vie pour lui »[7]p. 130.
L’abbé Gordien affirme ailleurs : « Ne vous contentez pas de choses médiocres. Vous êtes faits pour un bonheur capable de combler pleinement »[8]p. 134.
Et pour la dévotion mariale, une conviction : « Plus on est proche de Marie, plus le Christ prend de la place en notre âme, plus on avance sur le chemin de la sainteté »[9]p. 141.
Enfin, en épilogue : « chers jeunes, choisissez bien vos amis. Et, à votre tour, soyez des sources fraiches et pures pour les autres, comme la Samaritaine, qui à son tour, transmet l’eau vive autour d’elle ! Elle court l’annoncer ! Le monde a soif et ignore tout du bonheur que Dieu seul peut donner »[10]p. 151.
Le cinquième chapitre et la postface
Le cinquième chapitre est clairement à part, le changement de ton saute aux yeux : après les petits paragraphe numérotés, le testament spirituel de l’abbé Gordien est un texte complet, organique, à l’argumentation développée, et qui ouvre des perspectives et des réflexions. Ce sont trente pages importantes, qui révèlent les profondeurs, les douleurs et les joies d’un cœur de prêtre au service de l’Église.
Reprenant le tracé de son itinéraire spirituel depuis son enfance, l’abbé Gordien évoque ensuite sa réponse d’amour à Dieu en devenant prêtre de Jésus-Christ. Âme dévorée d’un zèle apostolique parfois incompris, il évoque les épreuves que furent sa maladie et ses souffrances, avant d’insister sur la force de la prière. À nouveau, il se place sous la protection de la Vierge Marie, espère avoir mené le bon combat, celui de la foi, avant d’offrir sa vie au Créateur.
Un texte profond qui donne à réfléchir, en particulier quand l’abbé évoque ses souffrances par l’Église, pour l’Église. Pour aider à la réflexion, l’ouvrage s’achève en postface avec l’éclairage du père Luc de Bellescize, « La Lumière sanglante du testament d’un prêtre ».
Voilà l’œuvre d’un prêtre du Seigneur, animé par le souci des âmes et le zèle de la maison de Dieu, prêtre de terrain proches des jeunes et qui veut leur donner le meilleur. À lire et à offrir sans modération !