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Le bon pasteur … et son chien

Jésus est le « bon Pasteur », l’authentique bon berger et le modèle du prêtre ayant reçu charge d’âmes. Ceux qui se préparent à la prêtrise méditent souvent la belle page d’Évangile de ce deuxième dimanche après Pâques.
Brossons ici à grands traits le sens de la vocation sacerdotale dans son lien constitutif au soin des âmes : car nul n’est prêtre pour soi-même, mais on l’est par et pour l’Église ! Or, pour avoir un « bon pasteur », il faut qu’il y ait non seulement un berger… mais aussi 1) des brebis pour lesquelles ce berger (à savoir Jésus-Christ) n’hésite pas à donner sa vie. Mais il faut aussi 2) un chien de berger, et voilà précisément la mission subordonnée du prêtre.

 

Pas de pasteur sans brebis

Pas de pasteur, donc, sans brebis : la chose est évidente. Quelles seront ces brebis ? Tous ceux-là que Jésus veut conduire jusque dans la divine bergerie, à savoir le Royaume des cieux. L’évocation de la brebis renvoie à deux qualités spécifiques : la douceur et la docilité. Voilà deux qualités fondamentales à ne pas négliger : non pas pour se laisser tondre sans résistance, c’est-à-dire berner, dépouiller, malmener… mais pour recevoir dans les meilleures dispositions l’influx surnaturel du bon Pasteur.

Le Christ, le Sauveur des âmes, entend appliquer à tout homme les fruits de sa Rédemption selon la triple modalité de sa mission divine, en vertu d’un pouvoir sacré qui lui-même se décline en trois charges : enseigner, conduire et sanctifier. Jésus est la Vérité même ; aussi, quand il s’adresse à son troupeau, ce n’est pas pour lui mentir, mais bien plutôt pour l’instruire des choses essentielles au salut. De même, parce qu’il est Dieu, Jésus sait, seul entre tous, à quelle béatitude il nous conduit : il en connaît le chemin avec une assurance souveraine. Laissons-le donc nous conduire en toute confiance. Enfin la qualification de « bon » pasteur nous rappelle que Jésus est la Bonté même, la sainteté incréée, sainteté qui emplit son humanité et la consacre, avant de rayonner et de se diffuser sur tous ceux qui viennent à lui. Voilà pourquoi les brebis entourent le pasteur, le serrent de près et répondent à sa voix. Sa seule présence au milieu d’elles, signe fort de son amour pour ses bêtes, met chacune dans la paix, lui procurant déjà comme un avant-goût des joies à venir. En un mot, la voix de Jésus nous instruit, ses ordres nous guident, son contact nous sanctifie.

Voilà pourquoi, mes chers amis, docilité et douceur donneront à la brebis véritable de profiter à plein de cette triple influence christique. Docilité et douceur : deux mots qui se ressemblent et s’accordent, opposés qu’ils sont à toute prétention d’orgueilleuse rébellion : cette dernière attitude, qu’inaugura la révolte des anges déchus, revient en effet à rejeter tout ensemble la Sagesse même de Dieu, ses commandements et sa grâce. Et nous savons bien que, lorsqu’une frêle brebis, sûre de sa courte science et toute à son propos d’indépendance, s’écarte du troupeau pour courir à sa guise d’herbe en herbe, il n’y a pas loin qu’elle s’égare et finisse par offrir avant longtemps pâture au loup affamé qui la guette.

Le chien du bon berger

Nous avons évoqué les qualités du bon pasteur et celles, correspondantes, des bonnes brebis. Il nous reste à parler du chien. Avouons que le chien, comme le renard d’ailleurs, n’a pas bonne presse dans la sainte Écriture : son évocation sert même facilement d’insulte. Néanmoins quand nous pensons à la condition pastorale, nous représentant sur de verts coteaux le berger menant son troupeau, l’imaginaire commun n’omet pas d’y placer… un bon chien. Or, en ce dimanche du « bon Pasteur », où la coutume nous veut voir prier Dieu pour les vocations, l’aimable figure canine semble tout à fait apte à caractériser la mission propre du ministre ordonné.

En effet, l’Église n’est pas un ramassis d’individualités éparses : bien plutôt, c’est un ensemble organique, harmonieux, un grand corps dont la tête est le Christ et dont les membres variés figurent chaque chrétien. Dans ce corps, chacun doit trouver sa place selon le dessein divin : les pieds ne sont pas les oreilles, ni les yeux le poumon ; tous pourtant sont importants et reçoivent une semblable vie, cette grâce qui jaillit du Christ pour que tous nous vivions de Lui. Ainsi, le troupeau bien mené, où brebis et pasteur s’avancent ensemble et comme d’un même pas, figure cette belle unité en marche vers les splendides pâturages du Ciel.

Mais autour de ce troupeau, un autre animal s’active : c’est le chien du berger. Il est auprès des bêtes comme un prolongement du pasteur, n’ayant d’autre mission que de relayer sans cesse l’influx du berger. Remarquez qu’en pareil contexte, le bon chien n’est pas, silencieux et placide, celui qui tranquillement sommeille. Au contraire, sans mesurer sa peine, il court d’une bête à l’autre : belle image, en vérité, du zèle dont ne saurait être dépourvu le bon prêtre, mettant toute son énergie au service de sa mission. Pour caractériser cette mission, nous pouvons souligner trois aspects par lesquels le chien de berger prolonge l’action primordiale de son maître.

Le chien court de-ci de-là pour orienter l’ensemble du troupeau dans la bonne direction et ramener à l’unité les brebis tentées de dispersion. Tel le prêtre prolongeant jusqu’à nous par ses conseils concrets la volonté salvifique de Jésus-Christ ! Le chien se met aussi parfois à aboyer pour relayer de son mieux les brèves consignes du berger ; parfois aussi on le voit gronder à l’encontre des dangers qui se profilent et qu’il sent le premier. Tel le prêtre encore, ministre de Jésus-Christ, prêtant par sa prédication sa voix à la proclamation de la Vérité divine, ou encore s’élevant sans concession face aux dangers bien réels qui menacent la portion du troupeau dont il a reçu la garde. Comme le bon chien, qui ne laissera, sans réagir, nulle brebis se laisser dévorer par les loups, le bon prêtre ne saurait demeurer muet quand serait en jeu le salut d’une seule âme. Enfin, sous l’aspect où Jésus est principe de notre sanctification, on peut affirmer que le prêtre, tel un chien fidèle, véhicule jusqu’aux brebis la sainteté divine par sa propre conformation au bon pasteur. Car, à force de vivre au contact de son maître, le chien en a pris tous les traits, il devine ses ordres et les devance même : il pense en tout comme lui et le comprend pour ainsi dire d’instinct. Voilà pourquoi, au contact incessant du troupeau, il lui revient de rendre le berger sensiblement présent. Il en va de même pour le bon et saint prêtre, dont le Christ, par une surnaturelle connaturalité, est peu à peu devenu la vie : mihi vivere Christus est. « Pour moi, vivre, c’est le Christ[1]Ph 1, 21. » Oui, mes frères, Jésus transparaît dans le prêtre vraiment saint ! Bien sûr, formellement, c’est par l’administration des sacrements de la Loi nouvelle que le prêtre œuvre à sanctifier son troupeau. Mais il demeure vrai que sa propre vie intérieure exerce un rayonnement à nul autre pareil : la vie du saint curé d’Ars, parmi celles de tant d’autres saints pasteurs, en témoigne avec éloquence.

Prier pour les prêtres

En évoquant (sous cet angle peu commun), la mission irremplaçable du prêtre de Jésus-Christ, nous sommes invités à prier pour que nous ayons toujours « des prêtres, de saints prêtres et beaucoup de saints prêtres »… et pour que ces prêtres ne soient pas des « chiens » au sens où nous pourrions spontanément l’entendre, avec cette nuance de mépris que cultive le monde envers le sacerdoce catholique, mais plutôt de ces chiens de bergers, fidèles entre tous, à qui le maître dira un jour : « C’est bien, serviteur bon et fidèle, entre à présent dans la joie de ton maître[2]Mt 25, 23. » La fidélité d’ailleurs a été associée à cet animal, au point qu’au Moyen-Âge, sur les tombeaux des nobles époux, il n’était pas rare de découvrir un chien sculpté, témoin silencieux d’une fidélité que rien n’aura pu entamer. C’est cette fidélité renouvelée que nous demandons à Dieu pour tous les séminaristes et prêtres, afin qu’ils deviennent ces relais intelligents, zélés et pieux de Jésus-Christ, en sa triple mission d’enseigner, de gouverner et de sanctifier le précieux troupeau des âmes.

Références

Références
1 Ph 1, 21
2 Mt 25, 23
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