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l’Agonie du Christ selon Pascal

Christ in Gethsemane de Carl Heinrich Bloch 1880
« Jésus sera à l’agonie jusqu’à la fin du monde ; il ne faut pas dormir, pendant ce temps-là ». En quelques pages sublimes des Pensées, Pascal se penche sur le mystère indicible de l’Agonie de Jésus, avec une justesse et une profondeur qu’il nous est bon de méditer, au cœur de la Semaine Sainte.

Le texte du « Mystère de Jésus » de Pascal a été reconnu, par plusieurs exégètes, comme étant « le meilleur commentaire de ce récit[1]Bible de E. Osty, p. 2182, note sur Mc 14, 32-42 ; cf. également A. Feuillet, L’Agonie de Gethsémani, Paris, Gabalda, 1977, p. 265 et suivantes. » de l’Agonie. En voici le texte complet : nous avons rajouté des commentaires en notes de bas de page, pour ne pas alourdir la lecture, principalement tirés du magnifique ouvrage de l’exégète André Feuillet, l’Agonie de Jésus (auquel nous avons également repris la numérotation du texte de Pascal).

Extraits des Pensées de Pascal, édition de Michel Le Guern, n°717, p. 458-462.

 

Le Mystère de Jésus

  1. Jésus souffre dans sa passion les tourments que lui font les hommes ; mais dans l’agonie[2]Le mot « agonie » n’est utilisé que dans la version que saint Luc fait de cet épisode., il souffre les tourments qu’il se donne lui-même. Turbare semetipsum[3]Référence libre à l’épisode de la résurrection de Lazare : Jésus, voyant Marie pleurer la mort de son frère, « frémit en son esprit et s’émut soi-même – turbavit se ipsum » (Jn … Continue reading. C’est un supplice d’une main non-humaine, mais toute-puissante, et il faut être tout-puissant pour le soutenir.

  2. Jésus cherche quelque consolation[4]Cf. Ps 69, 21 : « L’opprobre a brisé mon cœur et je suis malade ; j’attends de la pitié, mais en vain ; des consolateurs, et je n’en trouve aucun. » au moins dans ses trois plus chers amis et ils dorment ; il les prie de soutenir[5]Traduction libre de la demande du Christ aux trois apôtres en Mt 26, 38 : « Sustine hic et vigilate », qui se traduit plutôt par : « demeurez ici et veillez ». un peu avec lui, et ils le laissent avec une négligence entière, ayant si peu de compassion qu’elle ne pouvait seulement les empêcher de dormir un moment. Et Jésus était délaissé seul à la colère de Dieu.

  3. Jésus est seul dans la terre non seulement qui ressente et partage sa peine, mais qui la sache. Le Ciel et lui sont seuls dans cette connaissance.

  4. Jésus est dans un jardin[6]Seul saint Jean – qui ne décrit pas la scène de l’Agonie – nous rapporte que l’arrestation de Jésus eut lieu dans un jardin : Jn 18, 1., non de délices comme le premier Adam, où il se perdit et tout le genre humain, mais dans un de supplices, où il s’est sauvé et tout le genre humain[7]Le rapprochement entre les deux jardins (celui d’Éden et celui de Gethsémani) est éloquent : dans le jardin des douleurs, le nouvel Adam porte et rachète le premier péché, celui du premier … Continue reading.

  5. Il souffre cette peine et cet abandon dans l’horreur de la nuit.

  6. Je crois que Jésus ne s’est jamais plaint que cette seule fois. Mais alors il se plaint comme s’il n’eût plus pu contenir sa douleur excessive : « mon âme est triste jusqu’à la mort. »

  7. Jésus cherche de la compagnie et du soulagement de la part des hommes. Cela est unique en toute sa vie, ce me semble. Mais il n’en reçoit point, car ses disciples dorment.

  8. Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde : il ne faut pas dormir pendant ce temps-là[8]Voici la double explication que donne A. Feuillet de ce célèbre passage : « 1° bien que l’agonie de Jésus soit un fait du passé, localisé dans le temps comme dans l’espace, elle n’en … Continue reading.

  9. Jésus au milieu de ce délaissement universel et de ses amis choisis pour veiller sur lui, les trouvant dormant, s’en fâche à cause du péril où ils exposent non lui mais eux-mêmes, et les avertit de leur propre salut et de leur bien avec une tendresse cordiale pour eux pendant leur ingratitude. Et les avertit que l’esprit est prompt et la chair infirme.

  10. Jésus les trouvant encore dormants sans que ni sa considération ni la leur les en eût retenus, il a la bonté de ne pas les éveiller et les laisse dans leur repos.

  11. Jésus prie dans l’incertitude de la volonté du Père et craint la mort[9]Pascal donne ici deux raisons pour expliquer l’Agonie. La plus classique, c’est la peur de la mort ; si cette explication est possible, ce n’est certainement pas la seule ni la principale, le … Continue reading. Mais l’ayant connue, il va au-devant s’offrir à elle : Eamus[10]« Allons » (Mt 26, 46) : on perçoit comme le Christ semble s’encourager lui-même, après son agonie.Processit[11]« Il avança » (Jn 18, 4).

  12. Jésus a prié les hommes, et n’en a pas été exaucé.

  13. Jésus pendant que ses disciples dormaient, a opéré leur salut. Il l’a fait à chacun des justes pendant qu’ils dormaient, et dans le néant avant leur naissance, et dans les péchés depuis leur naissance.

  14. Il ne prie qu’une fois que le calice passe et encore avec soumission, et deux fois qu’il vienne s’il le faut[12]Correspond à la description de l’agonie selon saint Matthieu (Mt 26)..

  15. Jésus dans l’ennui.

  16. Jésus voyant tous ses amis endormis et tous ses ennemis vigilants, se remet tout entier à son Père.

  17. Jésus ne regarde pas dans Judas son inimitié mais l’ordre de Dieu qu’il aime, et la voit si peu qu’il l’appelle ami[13] Mt 26, 50 : « Mon ami, ce que tu es venu faire, fait-le », dit le Christ à Judas lorsqu’il l’embrasse pour le trahir..

  18. Jésus s’arrache[14]Magnifique et fidèle traduction de Lc 22, 41 : arrivé au jardin des Oliviers, « Jésus s’arrache d’avec ses disciples » (avulsus est; généralement traduit par « il s’éloigna »). … Continue reading d’avec ses disciples pour entrer dans l’agonie ; il faut s’arracher de ses plus proches et des plus intimes, pour l’imiter.

  19. Jésus étant dans l’agonie et dans les plus grandes peines, prions plus longtemps.

  20. Nous implorons la miséricorde de Dieu ; non afin qu’il nous laisse en paix dans nos vices mais afin qu’il nous en délivre.

  21. Si Dieu nous donnait des maîtres de sa main, O qu’il leur faudrait obéir de bon cœur. La nécessité et les événements en sont infailliblement.

  22. « Console-toi, tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais trouvé[15]A partir d’ici commence un dialogue entre le Christ et Pascal (indiqué par les “” pour les paroles du Christ), qui se terminera au v. 48 avec une phrase similaire à celle du v. … Continue reading. »

  23. « Je pensais à toi dans mon agonie, j’ai versé telles gouttes de sang pour toi[16]Référence à la sueur de sang que Jésus verse pendant l’agonie, en Lc 22, 44. »

  24. « C’est me tenter plus que t’éprouver, que de penser si tu ferais bien, telle et telle chose absente. — Je la ferai en toi si elle arrive. »

  25. « Laisse-toi conduire à mes règles. Vois comme j’ai bien conduit la Vierge et les saints qui m’ont laissé agir en eux. »

  26. « Le Père aime tout ce que je fais. »

  27. « Veux-tu qu’il me coûte toujours du sang de mon humanité sans que tu donnes des larmes. »

  28. « C’est mon affaire que ta conversion ; ne crains point, et prie avec confiance comme pour moi[17]Sans doute, d’après Feuillet, p. 282 : comme si c’était moi qui priait : car en réalité, « c’est Jésus qui prie en Pascal, et, d’autre part, Jésus a fait de la conversion de Pascal … Continue reading. »

  29. « Je te suis présent par ma parole dans l’Écriture, par mon Esprit dans l’Église et par les inspirations, par ma puissance dans les prêtres, par ma prière dans les fidèles. »

  30. « Les médecins ne te guériront pas, car tu mourras à la fin mais c’est moi qui guéris et rends le corps immortel. »

  31. « Souffre les chaînes et la servitude corporelle. Je ne délivre que de la spirituelle à présent. »

  32. « Je te suis plus ami que tel et tel, car j’ai fait pour toi plus qu’eux et ils ne souffriraient pas ce que j’ai souffert de toi et ne mourraient pas pour toi dans le temps de tes infidélités et cruautés comme j’ai fait et comme je suis prêt à faire et fais dans mes élus — et au Saint-Sacrement[18]Magnifique représentation de l’Église, dans laquelle Jésus, pourtant vivant et glorieux au Ciel, meurt « dans ses élus et au Saint-Sacrement » ; paradoxe étonnant qui peut se comprendre … Continue reading. »

  33. « Si tu connaissais tes péchés tu perdrais cœur. » Je le perdrai donc, Seigneur, car je crois leur malice sur votre assurance. « Non car Moi par qui tu l’apprends t’en peux guérir et ce que je te le dis est un signe que je te veux guérir. À mesure que tu les expieras tu les connaîtras et il te sera dit : Vois les péchés qui te sont remis.

  34. Fais donc pénitence pour tes péchés cachés et pour la malice occulte de ceux que tu connais. »

  35. Seigneur je vous donne tout.

  36. « Je t’aime plus ardemment que tu n’as aimé tes souillures. Ut immundus pro luto[19]Passage difficile à traduire. Certains proposent : « comme [l’animal, ou l’homme] immonde aime sa fange ». Pour d’autres, immundus se rapporte au Christ, luto à l’homme : on aurait … Continue reading. »

  37. « Qu’à moi en soit la gloire et non à toi, ver et terre. Témoigne à ton directeur que (ou bien : Interroge ton directeur quand) mes propres paroles te sont occasion de mal et de vanité ou curiosité. »

  38. La fausse justice de Pilate ne sert qu’à faire souffrir Jésus-Christ. Car il le fait fouetter par sa fausse justice et puis le tue. Il vaudrait mieux l’avoir tué d’abord. Ainsi les faux justes. Ils font de bonnes œuvres et de méchantes pour plaire au monde et montrer qu’ils ne sont pas tout à fait à Jésus-Christ, car ils en ont honte et enfin dans les grandes tentations et occasions ils le tuent.

  39. Je vois mon abîme d’orgueil, de curiosité, de concupiscence. Il n’y a nul rapport de moi à Dieu, ni à Jésus-Christ juste. Mais il a été fait péché pour moi[20]2 Co 5, 21 : « celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a fait péché pour nous ».. Tous vos fléaux sont tombés sur lui. Il est plus abominable que moi, et loin de m’abhorrer il se tient honoré que j’aille à lui et le secoure. Mais il s’est guéri lui-même, et me guérira à plus forte raison[21]Référence explicite aux versets d’Isaïe 53, 3-5, qui évoque « le châtiment » qui tombe sur le Serviteur souffrant, et ces « plaies » grâces auxquelles nous sommes « guéris ». (cf. la … Continue reading.

  40. Il faut ajouter mes plaies aux siennes et me joindre à lui et il me sauvera en se sauvant.

  41. Mais il ne faut pas en ajouter à l’avenir.

  42. Eritis sicut dii scientes bonum et malum[22]« Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal ».(Gn 3, 5) ; tout le monde fait le dieu en jugeant : « Cela est bon ou mauvais » et s’affligeant ou se réjouissant trop des événements.

  43. Faire les petites choses comme grandes à cause de la majesté de Jésus-Christ qui les fait en nous et qui vit notre vie, et les grandes comme petites et aisées à cause de sa toute-puissance.

  44. Il me semble que Jésus-Christ ne laisse toucher que ses plaies après sa résurrection : Noli me tangere. Il nous faut nous unir qu’à ses souffrances[23]Pascal pense sans doute au paradoxe de la Résurrection : alors que Jésus interdit à Marie-Madeleine de le toucher (Jn 20, 17), il ordonne à Thomas de mettre sa main dans son côté quelques … Continue reading.

  45. Il s’est donné à communier comme mortel à la Cène, comme ressuscité aux disciples d’Emmaüs, comme monté au ciel à toute l’Église.

  46. « Ne te compare pas aux autres, mais à moi. Si tu ne m’y trouves pas dans ceux où tu te compares, tu te compares à un abominable. Si tu m’y trouves, compare-t-y. Mais qu’y compareras-tu ? Sera-ce toi, ou moi dans toi ? Si c’est toi, c’est un abominable. Si c’est moi, tu compares moi à moi. Or je suis Dieu en tout.

  47. « Je te parle et te conseille souvent, parce que ton conducteur ne te peut parler, car je ne veux pas que tu manques de conducteur. »

  48. « Et peut-être je le fais à ses prières, et ainsi il te conduit sans que tu le voies. Tu ne me chercherais pas si tu ne me possédais. Ne t’inquiète donc pas. »

Références

Références
1 Bible de E. Osty, p. 2182, note sur Mc 14, 32-42 ; cf. également A. Feuillet, L’Agonie de Gethsémani, Paris, Gabalda, 1977, p. 265 et suivantes.
2 Le mot « agonie » n’est utilisé que dans la version que saint Luc fait de cet épisode.
3 Référence libre à l’épisode de la résurrection de Lazare : Jésus, voyant Marie pleurer la mort de son frère, « frémit en son esprit et s’émut soi-même – turbavit se ipsum » (Jn 11, 33). Pascal met ici le doigt, dès le début de son texte, sur ce qui fait le mystère de l’Agonie de Jésus ; Jésus n’est pas « submergé » par ses passions, il en maîtrise le moindre mouvement, et s’il vit ce moment tragique, mystérieux, c’est parce qu’il l’a voulu : il se trouble lui-même, il choisit d’éprouver ce trouble, pour partager avec nous l’obscurité, afin de poser à notre place un acte d’abandonnement à la volonté de son Père.
4 Cf. Ps 69, 21 : « L’opprobre a brisé mon cœur et je suis malade ; j’attends de la pitié, mais en vain ; des consolateurs, et je n’en trouve aucun. »
5 Traduction libre de la demande du Christ aux trois apôtres en Mt 26, 38 : « Sustine hic et vigilate », qui se traduit plutôt par : « demeurez ici et veillez ».
6 Seul saint Jean – qui ne décrit pas la scène de l’Agonie – nous rapporte que l’arrestation de Jésus eut lieu dans un jardin : Jn 18, 1.
7 Le rapprochement entre les deux jardins (celui d’Éden et celui de Gethsémani) est éloquent : dans le jardin des douleurs, le nouvel Adam porte et rachète le premier péché, celui du premier Adam au jardin des délices. Cf. 1 Co 15, 20-22 ; Rm 5, 18-19 : « Ainsi donc, comme par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes, de même par un seul acte de justice la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes. Car, comme par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs, de même par l’obéissance d’un seul beaucoup seront rendus justes. »
8 Voici la double explication que donne A. Feuillet de ce célèbre passage : « 1° bien que l’agonie de Jésus soit un fait du passé, localisé dans le temps comme dans l’espace, elle n’en est pas moins, par sa portée, coextensive à l’histoire entière de l’humanité : Jésus a souffert et est mort pour les péchés de tous les hommes de tous les temps ; 2° bien que Jésus soit l’unique Sauveur, il n’en prolonge pas moins son agonie en ses disciples, ainsi qu’en font foi tant d’expériences religieuses, à commencer par celle de saint Paul » (A Feuillet, L’agonie de Jésus, cit., p. 280).
9 Pascal donne ici deux raisons pour expliquer l’Agonie. La plus classique, c’est la peur de la mort ; si cette explication est possible, ce n’est certainement pas la seule ni la principale, le Christ sachant pertinemment ce qui devait arriver depuis longtemps. L’autre raison étonne : celle de l’incertitude de la volonté du Père : car le Christ, en vérité, connaît la volonté du Père ; il faut donc, avec le C. Journet, au moins nuancer cette affirmation de Pascal (C. Journet, Vérité de Pascal, p. 213). Mais il ne faut pas pour autant négliger la profondeur et la vérité de l’Agonie : le Christ s’est troublé lui-même, acceptant une certaine obscurité, sorte d’anti-transfiguration, pour partager avec nous la nuit, pour expérimenter l’abandon (même si, bien sûr, le Père ne l’a jamais abandonné) afin d’y répondre par son propre abandon à la Volonté du Père (non pas ma volonté…) et triompher ainsi du mystère d’iniquité. Avec toute la prudence possible (non, Jésus n’est pas abandonné par le Père ; Jésus est le bien aimé du Père ; Jésus a la vision béatifique, même sur la Croix), nous pouvons dire, avec A. Feuillet (p. 198) : « il semble qu’au cours de sa Passion, tout d’abord à Gethsémani, et peut-être plus encore au Calvaire, Jésus, pour expier les fautes de l’humanité, ait volontairement expérimenté dans son humanité la détresse et la solitude des hommes séparés de Dieu par leurs péchés. » Ainsi, l’Agonie est aussi une révélation de l’horreur du péché, qui est séparation d’avec Dieu. Jésus, volontairement, se trouble lui-même en son humanité, n’use pas de cette science qui lui permet de saisir la présence de Dieu qui l’habite, et « a librement éprouvé les conséquences horribles du péché : pour un moment, s’en est trouvée obscurcie la conscience de sa communion avec le Père ; aussi n’apportait-elle plus à son âme humaine aucune consolation ». (p. 199)
10 « Allons » (Mt 26, 46) : on perçoit comme le Christ semble s’encourager lui-même, après son agonie.
11 « Il avança » (Jn 18, 4)
12 Correspond à la description de l’agonie selon saint Matthieu (Mt 26).
13 Mt 26, 50 : « Mon ami, ce que tu es venu faire, fait-le », dit le Christ à Judas lorsqu’il l’embrasse pour le trahir.
14 Magnifique et fidèle traduction de Lc 22, 41 : arrivé au jardin des Oliviers, « Jésus s’arrache d’avec ses disciples » (avulsus est; généralement traduit par « il s’éloigna »). Ici, apparaît combien Jésus a besoin, en cette nuit douloureuse, de ses amis, et combien le fait de l’éloigner d’eux lui est pénible.
15 A partir d’ici commence un dialogue entre le Christ et Pascal (indiqué par les “” pour les paroles du Christ), qui se terminera au v. 48 avec une phrase similaire à celle du v. 22, signe de la cohérence de tout ce qui va suivre. On a souvent rapproché cette phrase d’un texte de Saint Bernard, De diligendo Deo, PL 182, 987 : « Tu es bon, Seigneur, pour l’âme qui te cherche : que dire donc de celle qui te trouve ? Mais voici quelque chose d’admirable : personne ne peut te chercher, s’il ne t’a pas au préalable trouvé ! Tu veux donc être trouvé pour être cherché et être cherché pour être trouvé. Tu veux certes être cherché et être trouvé, mais non pas devancé ». A. Feuillet propose (p. 281), un rapprochement avec saint Augustin, De gratia et libero arbitrio, 17, 38 : « Nous n’aimerions pas Dieu si lui-même ne nous avait pas aimé le premier », et avec Sg 6, 12-14 : « La Sagesse se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle prévient ceux qui la désirent en se faisant connaître la première. Qui se lève tôt pour la chercher n’aura pas à peiner : il la trouvera assise à sa porte ». C’est le mystère de la grâce qui est ici soulevé : Dieu prévient nos désirs, il est la cause de notre repentir et de nos retours à Lui.
16 Référence à la sueur de sang que Jésus verse pendant l’agonie, en Lc 22, 44
17 Sans doute, d’après Feuillet, p. 282 : comme si c’était moi qui priait : car en réalité, « c’est Jésus qui prie en Pascal, et, d’autre part, Jésus a fait de la conversion de Pascal son affaire personnelle » ; ou bien, et c’est tout aussi juste, Pascal prie pour Jésus, en ce sens que, membre du Corps Mystique, il « prolonge » par sa prière la prière de Jésus.
18 Magnifique représentation de l’Église, dans laquelle Jésus, pourtant vivant et glorieux au Ciel, meurt « dans ses élus et au Saint-Sacrement » ; paradoxe étonnant qui peut se comprendre en trois sens (Feuillet, p. 283) : 1°) Au Ciel, le Christ glorieux demeure dans un état permanent d’offrande, il est l’Agneau debout, glorifié et pourtant égorgé (Ap 5, 6) ; sur terre, Jésus meurt à travers ses saints martyrs qui continuent de donner leur vie ; enfin, le saint Sacrifice de la Messe réactualise la Passion du Christ : Jésus, dans l’hostie, est bien glorieux, mais il s’offre pourtant également en sacrifice. Il faut supporter le paradoxe mystérieux d’un Christ glorieux mais victime (hostia), sans en atténuer la portée.
19 Passage difficile à traduire. Certains proposent : « comme [l’animal, ou l’homme] immonde aime sa fange ». Pour d’autres, immundus se rapporte au Christ, luto à l’homme : on aurait donc « Je suis devenu comme un être souillé, pour te sauver, toi qui n’est que boue ». La référence de ce passage étonnant est probablement Is 64, 6-8.
20 2 Co 5, 21 : « celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a fait péché pour nous ».
21 Référence explicite aux versets d’Isaïe 53, 3-5, qui évoque « le châtiment » qui tombe sur le Serviteur souffrant, et ces « plaies » grâces auxquelles nous sommes « guéris ». (cf. la mention des plaies chez Pascal, au v. 40).
22 « Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal ».
23 Pascal pense sans doute au paradoxe de la Résurrection : alors que Jésus interdit à Marie-Madeleine de le toucher (Jn 20, 17), il ordonne à Thomas de mettre sa main dans son côté quelques versets plus loin (Jn 20, 27). Le fond de l’explication est sans doute dans une méditation sur la foi : croire sans voir. Jésus encourage Marie-Madeleine à croire en lui, sans signe ni contact, car telle est la nature de la foi théologale, qui ne s’appuie pas sur les signes mais sur le témoignage de Dieu se révélant ; tandis que Jésus soutient Thomas dans son manque de foi en lui accordant gracieusement un signe, tout en l’encourageant à dépasser cela à l’avenir : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».
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