La liberté, voilà bien un thème de vacances. Respirer au grand air, se soustraire des contraintes du travail, d’un agenda, d’un rythme scolaire ou professionnel, des ordres de la maitresse ou du professeur, ne plus se soucier des horaires, manger à l’heure que l’on veut, partir quelques jours en camp, courir dans les champs à sa guise, décider de sa journée, souffler un peu. C’est cela, la liberté ! N’avoir aucune contrainte. Celui qui fait ce qu’il veut, c’est lui qui est libre !!
Être libre, est-ce faire ce que l’on veut ?
Et bien : c’est vrai, et en même temps c’est faux. Et c’est toute la profondeur de l’enseignement de saint Paul, en particulier dans l’Épître aux romains. Car la liberté est chose mystérieuse et complexe. Sans nous lancer dans un cours de théologie, disons en quelques mots, ce qu’est apprendre à être vraiment libre.
D’un côté, il est faux de dire que celui qui fait ce qu’il veut, tout ce qui lui passe par la tête, est libre. Dans toutes les sociétés, depuis l’Antiquité jusqu’à la nôtre, avec plus ou moins de laxisme il est vrai, on a mis en prison le voleur, le menteur et l’assassin. Et l’on ne verra jamais un prisonnier se lever et dire : mais, j’ai fait ce que je voulais, je suis libre, il faut me libérer !! Non, parfois, « faire ce que l’on veut » conduit à la prison. Et c’est le cas lorsque « ce que l’on veut », c’est faire le mal.
Le mal nous rend prisonnier du mal
Cet exemple est une image, très ancienne, pour faire comprendre que parfois, « faire ce que l’on veut » emprisonne. C’est ce qui se passe en nous, lorsque nous faisons le mal. Le mal nous rend prisonnier du mal. Car plus je pèche, plus je serai faible et plus je pécherai. C’est ainsi que fonctionne l’âme. Une mauvaise habitude, de mensonge, de triche ou de vol, une addiction contre la pureté par exemple : autant de liens qui retiennent mon âme prisonnière. (plis de l’âme). Quand je fais un péché, je me dis : « Oh, je suis libre, pas besoin d’observer la loi, je fais ce que je veux !! » : et en fait, je deviens prisonnier de mon péché, je m’enchaîne à lui, et mon âme se rétracte, de contracte, alors qu’elle est faite pour beaucoup plus que ce plaisir passager qui ronge et enferme. C’est le drame de saint Paul, c’est pourquoi il en parle avec tellement d’expérience : « Je ne fais pas le bien que je veux, je fais le mal que je ne veux pas. […] Qui me libèrera de mon corps de mort[1]Rm 7, 19 ? »
La réponse, chers amis, c’est le Christ. C’est le Christ qui nous libère du mal, du péché, du poids de la faiblesse qui me fait toujours tomber. Par la grâce déposée dans l’âme, et ensuite par le travail des vertus, mon âme respire à nouveau : elle peut faire le bien.
Saint Paul va même plus loin : être un saint, ce n’est pas seulement « pouvoir faire le bien » : être un saint, c’est devenir l’esclave du bien : « affranchis du péché, et devenu esclave de Dieu, dit-il, vous aurez la vie éternelle[2]Rm 6, 22 ». Pourquoi dit-il que les saints sont esclaves de Dieu ? Ne sont-ils donc pas libres ?
Les saints sont esclaves de Dieu
Là est le mystère de la liberté humaine. Nous sommes des créatures, nous l’oublions très souvent. Cela veut dire que nous ne sommes pas Dieu, et donc nous sommes, d’une manière ou d’une autre, toujours dépendant de quelqu’un, de quelque chose. Et c’est à nous de choisir notre maître : être dépendant du mal par le péché ; être dépendant de Dieu par le bien. Toujours, les deux figures emblématiques, celle de Satan, qui refuse de se soumettre à Dieu et devient l’esclave de sa malice et de sa haine, et celle de la Vierge Marie, qui se déclare humble servante du Seigneur. Sauf que l’un des esclavages conduit à la tristesse et à la ruine, et l’autre conduit au bonheur, car nous sommes faits pour Dieu, non pour le mal, et notre cœur sera sans repos tant qu’il ne reposera pas en Dieu, le seul bien capable de combler la soif de liberté de mon âme.
Donc oui : être libre, c’est faire ce que l’on veut, pourvu qu’on se rappelle que « ce que nous voulons », ce pour quoi notre volonté est faite, c’est le bien, pas pour le mal, et seul le bien infini pourra nous combler. Alors, si vous me demandez si c’est une bonne situation, cela, esclave de Dieu par le bien, je vous répondrai : oh oui, bien sûr. C’est la meilleure situation qui soit. C’est la seule qui peut combler le cœur, c’est la seule qui peut rendre heureux : car c’est ainsi que nous sommes faits. Être saint, c’est apprendre à être libre, et être libre, c’est être l’esclave du bien, et cela nous rend heureux.
Esclave du bien par la soumission à la grâce
Alors comment devient-on esclave du bien ? Par la grâce, reçu dans les sacrements ; et par la vertu, c’est-à-dire ces bonnes habitudes acquises petit à petit, par la répétition d’acte, qui font qu’à un moment, il est plus facile pour le saint de faire le bien que le mal. Le saint est celui qui est attiré, de plus en plus irrésistiblement, vers le bien et vers Dieu. La vertu libère des chaînes, des mauvais plis de l’âme.
Sur terre, nous ne le serons jamais totalement, car nous gardons la puissance de pécher, et donc de nous emprisonner à nouveau : mais au Ciel, alors que nous ne pourrons plus pécher, nous serons enfin vraiment libres : Notre âme respirera enfin à plein, elle fera enfin, sans contrainte, tout ce qu’elle veut : car ce qu’elle veut, en vrai, c’est Dieu, et Dieu, elle l’aura sans pouvoir le perdre.
Pendant ces vacances, en goutant à cette liberté de faire (un peu) ce que vous voulez, demandez-vous : qu’est-ce que je veux vraiment ? Écoutez, votre âme, écouter son désir le plus profond, que peut être vous entravez en ce moment, à cause du péché. Et donnez à votre âme ce qu’elle veut : donnez-lui Dieu. « Pour obtenir tout ce que nous voulons, nous devrions ne vouloir que Dieu ».