La foi chrétienne pour les curieux et les débutants : derrière le titre du livre collectif qui paraît ces jours-ci aux éditions Artège on trouvera un résumé original et complet du contenu de la foi, destiné à ceux qui la connaissent peu, ou mal, ou pas.
Suite de nos extraits des 16 chapitres de l’ouvrage…
Lire les extraits des 8 premiers chapitres
9. Le bonheur est-il sur terre ou dans le ciel ? (abbé Pierre Amar)
Notre cœur est une véritable boîte à désirs. Des désirs immédiats, d’abord, et tout à fait légitimes : parler, passer un bon moment, manger un gâteau, posséder une belle voiture, etc. Mais nous portons aussi des désirs plus importants comme réussir un examen ou un concours, décrocher un bon job, avoir un bon salaire et un bon chef. Certains, enfin, sont très profonds : trouver l’âme sœur, avoir des enfants en bonne santé, être heureux(se) au boulot, en famille, dans son couple …
Face à une telle énumération, il convient de hiérarchiser. […] Au fond, et c’est la seule question qui compte : peut-on être heureux, profondément heureux, durablement heureux sur cette terre, et comment ? (p. 177)
À celui qui est fait pour l’infini, il lui faut l’infini. Nous sommes faits pour l’infini. Le seul capable de répondre à ce désir sans limites installé en chacun de nous a un nom : il s’appelle Dieu. Le bonheur, pour les chrétiens, c’est de contempler Dieu, l’Être suprême, celui qui est tout, celui qui a tout, celui qui est éternel et infini. Celui qui est le seul capable de contenter le cœur de l’homme. Le reste sera toujours fragile. (p. 180)
10. Si Dieu est bon, pourquoi le mal ? (père Edouard Divry, op.)
Le mal que subit Job est d’abord physique puis psychique (premier niveau de mal) […] c’est celui que tous connaissent de la naissance à la mort. Il s’agit d’une expérience commune, souvent dramatique. Il faut alors ne pas trébucher dans une faute conséquente : révolte, accusation des autres, détestation de soi. Quant au péché, le mal moral (deuxième niveau de mal), il vient d’ailleurs, au sens qu’il vient de notre liberté. La liberté est un bien, mais la liberté prise de faire le mal moral est un mal.
Pareillement, le Démon, le Diable ou Satan (cf. Ap 12,9) a d’abord été un ange libre. Il apparaît au début du livre de Job (troisième niveau de mal). (p. 193)
Les mots Démon, Diable ou Satan sont 1 300 % plus présents dans le Nouveau Testament que dans l’Ancien, toute proportion gardée. Il ne faut pas s’en étonner, car la lumière du Christ démasque mieux les agissements du Mauvais, autre nom du Diable, qui se trouve mis à découvert par l’agir à la fois humain et divin de Jésus. (Pp. 193-194)
Par sa Passion, Jésus a voulu l’affronter décisivement et souffrir le mal physique comme un mal de peine, c’est-à-dire la conséquence réparatrice de nos péchés, le mal moral de l’humanité entière. (p. 195)
Cependant, alors qu’elle vient d’être observée dans la Bible, le grand livre de l’humanité, la gradualité du mal – mal physique, mal moral, mal théologique – implique-t-elle l’existence d’un mal absolu insurmontable ? Non, répond spontanément le bon sens. (p. 196)
Dieu est libre et a créé l’homme libre. Il ne peut lui imposer un comportement sans briser l’image qu’il innerve à chaque instant en sa créature spirituelle. Par ailleurs, Dieu seul est parfait et les biens dégradés par rapport à Dieu ainsi que la défaillance des choses manifestent l’imperfection de tout ce qui n’est pas Dieu en contraste de la perfection divine. Toute la création réunie, monde visible et invisible, ne peut s’égaler au Créateur. La variation dans le bien, spécialement en raison du mal, permet donc, dans une certaine mesure, de remonter intellectuellement au Bien suprême qu’est Dieu. (p. 199)
11. Pourquoi faut-il une morale en plus de la foi ? (Yves Semen)
Si on veut aimer vraiment, on comprend que l’on ne peut pas aimer n’importe comment. « Aucun homme ne peut se dérober aux questions fondamentales : Que dois-je faire ? Comment discerner le bien du mal ? », disait Jean-Paul II. L’amour authentique comporte des règles qui sont autant de critères de la vérité de l’amour. Une foi qui serait seulement professée, mais qui ne se traduirait pas par des actes en conformité avec elle serait imparfaite et même mensongère. (p. 208)
La morale est donc la mise en œuvre pratique et concrète de notre foi et c’est une question de cohérence : comment pourrions-nous affirmer croire en Dieu et ne pas chercher à accomplir ce qu’il nous commande par amour ? Alors s’éclaire le vrai sens de la parole de saint Augustin : il ne dit pas « Aime et fais n’importe quoi », mais « Aime en vérité, et alors tu agiras en vérité et ce que tu feras ne s’éloignera pas du commandement de l’amour. » (p. 209)
Cette résonance désagréable de la morale est assez récente à l’échelle de l’histoire de la pensée. Elle provient de l’influence de la conception de la morale développée au XVIIIe siècle par le philosophe allemand Emmanuel Kant. Celui-ci a opéré une sorte de révolution en inversant les perspectives de la morale classique : ce n’est plus le bien qui détermine le devoir, mais le devoir qui détermine le bien. (pp. 209-210)
Tout autre était la vision des philosophes grecs de l’Antiquité, et en particulier d’Aristote qui posait que la morale était ordonnée au bonheur et le bonheur, disait-il « est quelque chose de parfait qui se suffit à lui-même et il est la fin de nos actions ». La morale proposée par l’Église est beaucoup plus proche de la perspective grecque que de la perspective kantienne. Elle vise à nous aider à atteindre un vrai bonheur qui consiste dans une amitié de communion avec Dieu, en nous indiquant comment mettre nos actes en conformité avec l’amour de Dieu. (p. 211)
Ce service de proclamation de la vérité sur l’homme, l’Église l’accomplit par obéissance au Christ, vrai Dieu et vrai homme, qui, comme le dit saint Jean, « connaît ce qu’il y a dans le cœur de l’homme » (Jn 2,25) et qui éclaire notre humanité de sa divinité de telle sorte que, comme l’enseigne le concile Vatican II : « Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. » C’est pourquoi, disait Jean-Paul II : « Il convient que l’homme d’aujourd’hui se tourne à nouveau vers le Christ pour recevoir de lui la réponse sur ce qui est bien et ce qui est mal. » (p. 212)
12. Meilleurs que les autres, les saints ? (abbé Simon de Violet)
La sainteté de Dieu est particulière. Il est le Dieu « trois fois saint » (Is 6,3) dont la sainteté est d’abord comprise comme inaccessible : à cause de son péché, l’homme ne peut voir la gloire de Dieu sans mourir (Ex 33,18- 20), sauf quand Dieu décide par lui-même de se dévoiler, de réduire la distance avec sa créature. (p. 227)
Et que fera Jésus de cette sainteté divine pleinement présente en lui ? Il l’explique lui-même :
Je me sanctifie moi-même, afin [que mes disciples] soient, eux aussi, sanctifiés. » (Jn 17,19) (p. 232)
Faut-il obligatoirement être chrétien pour faire le bien ?
Tout dépend de ce qu’on comprend par « le bien » ! Pour les chrétiens, c’est clair, il n’y a pas de plus grand bien que la recherche de la sainteté, qui vient de Dieu, traverse l’histoire sainte et trouve son sommet indépassable en son Fils unique Jésus Christ, plus particulièrement dans son sacrifice d’amour sur la croix pour sauver le monde entier du péché et de la mort. Voilà en quelques mots ! (p. 232-233)
Les saints reconnus par l’Église ont une diversité immense de vies, d’exemples et de destins. Personne ne naît saint, mais on le devient bel et bien … C’est ce que nous apprend le passé parfois tumultueux de ceux qui sont devenus des exemples pour l’Église. (p. 235)
13. Qu’est-ce qu’un sacrement ? (abbé Paul Roy)
« Sacrement » signifie mystère : le mot en lui-même est bien mystérieux. Et pourtant les sacrements sont la porte d’entrée de l’Église – au sens propre comme au figuré. Pour beaucoup aujourd’hui, en effet, un baptême, une communion, des obsèques, sont l’occasion presque unique d’un vrai contact avec la foi. (p. 246)
Le mot désigne à l’origine (en latin) le mystère : un sacramentum est un fait qui dépasse l’ordre des choses de notre monde, qui nous oriente et nous fait passer déjà dans une dimension supérieure, transcendante. Lorsque son usage s’est précisé, le terme « sacrement » en est venu à désigner précisément et exclusivement sept rites particuliers, institués par le Christ et confiés à l’Église comme sept canaux de transmission de sa grâce. Les sept sacrements de l’Église sont ces sept signes sensibles, institués par Jésus Christ pour produire ou augmenter la grâce dans les âmes. (pp. 246-247)
Signes sensibles – c’est-à-dire visibles, tangibles – du don de Dieu, on dit en outre que les sacrements sont efficaces : ils produisent toujours et réellement ce qu’ils signifient. À la différence du feu tricolore qui indique la nécessité d’arrêter le véhicule, mais ne l’empêche pas d’avancer, les sacrements produisent ou augmentent par eux-mêmes la grâce, par le simple fait d’être accomplis. (p. 250)
14. Pourquoi choisir d’être catholique ? (abbé Fabrice Loiseau)
Comme Jésus Christ s’est proclamé « la Voie, la Vérité et la Vie », qu’il a affirmé qu’il était Dieu, nous devons prendre au sérieux ces recommandations pour ses disciples. Face à ses paroles, il n’y aura pas de milieu : soit nous avons affaire au plus grand mythomane de l’Histoire, soit ce qu’il dit est entièrement vrai. Ainsi, une religion qui ne reposerait pas sur cette révélation du Fils de Dieu et Sauveur ne pourrait être authentique. (p. 264)
L’islam se présente comme la vraie révélation, car il apparaît après le judaïsme et le christianisme : son prophète Mahomet se présentant comme le dernier, il serait ainsi dans la vérité. Mais le dernier venu, en tant que fondateur de religion, ne saurait être un critère de vérité. (p. 265-266)
Curieusement, dans l’islam, celui qui doit venir à la fin des temps combattre l’antéchrist et juger les faux croyants est Issa (Jésus), et non Mahomet. Puisque ce dernier est présenté comme le sceau des prophètes, pourquoi le combat final de l’histoire de l’humanité ne se réalise-t-il pas avec un « anti-Mahomet » et avec la victoire du prophète de l’islam ? Ainsi, c’est donc bien Jésus qui assume, pour eux, le sort final de l’humanité. (p. 266)
L’islam ne peut être une révélation, car le Seigneur ne peut se contredire. Dieu ne peut pas révéler dans le christianisme que Jésus est Dieu et enseigner en même temps six siècles plus tard l’inverse (dans le Coran, diviniser Jésus est un blasphème). (p. 266-267)
Pour transmettre un message religieux et permettre aux hommes de se sanctifier dans la vérité (car Dieu veut être connu et aimé pour ce qu’il est vraiment), il est nécessaire d’avoir une société capable de transmettre ce message sans altération, de déléguer un pouvoir d’enseignement, de sanctification et de gouvernement pour organiser la mission. Il s’agit précisément des trois charges de l’Église catholique : enseigner, gouverner, sanctifier. Seule une société hiérarchisée peut répondre à cette triple tâche. (p. 270)
15. Peut-on témoigner de sa foi ? (abbé Guillaume Le Gall)
L’amour de Dieu, au contraire, est spirituel, il n’a pas à craindre d’être amoindri par le partage et il augmente même en se communiquant aux autres. (p. 288)
Parler de la joie spirituelle que procure la foi est une réaction naturelle. C’est aussi un commandement donné par Jésus à ses disciples et amis. (p. 289)
Une religion strictement privée est une chimère, qui existe peut-être dans quelques esprits géométriques, mais qui ne se rencontre pas dans le réel et dans l’Histoire. Pour être initiés et pour nous épanouir dans la foi, nous avons besoin du soutien d’amis. Pour nous unir vraiment à Dieu, nous avons besoin d’un dépassement de nos émotions et de nos convictions personnelles : nous avons besoin d’un au-delà de notre ego. Ce dépassement s’obtient d’abord par la participation à un groupe, qui induit fatalement une sortie de notre « espace privé ». (p. 291)
Le christianisme ne se comprend pas lui-même comme une croyance ou une pratique religieuse parmi d’autres pour vivre une expérience spirituelle. Être chrétien, c’est avant tout croire en Jésus Christ : ce Dieu qui s’est incarné en homme pour enseigner et sauver les hommes. (p. 292)
16. À quoi sert la prière ? (Jacques Gauthier)
D’abord, qu’est-ce que prier ? C’est tout simplement parler à Dieu en toute confiance dans la foi. « Prier, c’est penser à Dieu en l’aimant », écrit Charles de Foucauld dans ses méditations. Une simple évocation du nom de Jésus, un seul mouvement du cœur, un bref regard devant une icône ou un crucifix, et c’est le contact immédiat. Nous voici connectés au Père, au Fils, à l’Esprit. Dieu est toujours en ligne, accessible gratuitement jour et nuit, dès que nous écoutons sa Parole, que nous pensons à lui, que nous le prions. (p. 308)
Sainte Thérèse d’Avila, réformatrice du Carmel, définit ainsi l’oraison dans son Livre de la vie : « Ce n’est pas autre chose qu’une amitié intime, un entretien fréquent, seul à seul, avec celui dont nous nous savons aimés. » L’oraison est une prière de simple présence à Dieu dans le silence. C’est l’échange de deux désirs, le mien et celui de Dieu pour moi ; de deux regards dans la foi et l’amour. (p. 308)
Le sanctuaire d’où jaillit la prière est ce que la Bible appelle le cœur, ce lieu intime et profond, cet espace intérieur qui appartient à Dieu et par où je peux entrer en relation d’alliance avec lui. Je descends à ce centre où Dieu demeure et je participe dans la foi à sa vie trinitaire. Là, je reçois l’Esprit Saint, qui est une autre raison pour laquelle je prie. (pp. 310-311)
Certains se plaignent qu’ils ne ressentent rien dans la prière. C’est normal, puisque toute émotion vient des sens et que nous sommes en présence de Dieu qui est au-delà du sensible. Consolons-nous, tous les grands spirituels ont connu cette épreuve de l’aridité dans la prière, qui ne dure pas indéfiniment. En revanche, il se passe toujours quelque chose quand on prie. (p. 315)
La prière, comme l’amour, passe par l’épreuve du temps. Le pire ennemi, c’est le découragement. Acceptons que notre prière ne se déroule pas comme nous le voudrions. Commençons en disant au Seigneur : « Que ma prière soit comme tu veux. Je te l’offre. Je tourne mon cœur vers le tien pour ne vouloir faire que ta volonté. » Dieu regarde plus l’intention du cœur dans la prière que l’attention de l’esprit à sa présence. Son temps n’est pas le nôtre. Une seconde suffit pour tourner notre cœur vers le Christ et apaiser nos doutes. (p. 317)