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La conversion d’un Borgia

Saint François de Borgia : un grand d’Espagne quittant toutes ses possessions pour entrer en religion, devenu troisième général des Jésuites ; un itinéraire hors du commun, dont le point de départ est la conversion fulgurante que narre avec talent Marcelle Auclair.

 

Extrait de Marcelle Auclair, La vie de sainte Thérèse d’Avila, Paris, Seuil, 1960, pp. 97-98.

 

Le P. Francisco jouissait du prestige d’avoir renoncé, pour Dieu, à l’un des plus beaux noms d’Espagne. L’histoire de sa conversion a longtemps fourni aux Avilais un sujet de conversation tel qu’ils les aimaient, à la fois grandiose et macabre.

Ç’avait été en 1539 ; l’impératrice Isabelle venait de mourir, et son fils, l’infant Philippe II, qui n’avait que douze ans, précédait à cheval le convoi funèbre qui emmenait à travers l’Espagne en deuil les restes de la Reine vers son tombeau de Grenade. François Borgia, marquis de Lombay, fils du duc de Gandie et de Jeanne d’Aragon, l’un des serviteurs préférés de la morte, eut l’honneur d’être désigné pour identifier la dépouille.

Lorsque dans la chapelle mortuaire des Rois catholiques on ouvrit le cercueil, une puanteur écœurante fit reculer la noble escorte. Ces gentilshommes, la main sur la garde de leur épée, jurèrent pourtant que c’était bien là « le royal cadavre de Dona Isabel de Portugal, impératrice d’Allemagne, épouse du magnifique, puissant et catholique roi Charles notre seigneur ».

L’archevêque s’étonna du silence de Don Francisco de Borgia.

– Vous ne prêtez pas serment ?

Il contemplait des chairs putréfiées dans l’or encore étincelant des vêtements royaux :

– Je ne puis dire qu’une chose ; j’ai fait conduire sous rigoureuse garde le corps de notre Dame pendant tout ce voyage de Tolède à Grenade. Mais que moi, qui admirait en elle tant de beauté, jure que c’est bien elle… je n’en ai pas la force.

L’Archevêque insista :

– Reconnaissez-vous, enfin, votre Dame et Reine ?

François appuya sa main droite sur sa croix de chevalier de l’ordre de Santiago, pourpre sur la grande cape blanche, tandis que sa main gauche laissait retomber le voile mortuaire sur le cadavre impérial :

– Oui. Mais je jure aussi de ne plus jamais servir maître qui soit mortel.

À la mort de sa femme, peu de temps après, le Duc renonça aux honneurs, à sa fortune, à ses titres, et entra à la Compagnie de Jésus.

La nouvelle éclata en 1550 « comme un coup de canon ». Elle fit un envieux : l’empereur Charles-Quint, qui déjà avait envoyé des émissaires « considérer la maison, le site, le ciel et la disposition du monastère de Yuste[1]Yuste est le lieu du monastère fondé au XVe siècle en Estrémadure par deux ermites, où Charles-Quint s’installa en 1557 pour finir ses jours.

Références

Références
1 Yuste est le lieu du monastère fondé au XVe siècle en Estrémadure par deux ermites, où Charles-Quint s’installa en 1557 pour finir ses jours
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