Chers frères et sœurs, chers amis,
Soyez les bienvenus dans cette cathédrale Notre-Dame de Lescar. C’est avec mon vicaire général, monsieur l’abbé François Bisch, ici présent et le curé de cette cathédrale l’abbé Damien Bernier, que je suis heureux de vous accueillir ici pour ce jour solennel de l’ordination sacerdotale de six diacres de la Fraternité Saint-Pierre. Je salue fraternellement monsieur l’abbé André Komorowski, supérieur général de cette fraternité, monsieur l’abbé Benoît Paul-Joseph, supérieur du district de France, et monsieur l’abbé Vincent Ribeton, supérieur du séminaire de Wigratzbad, mais aussi tous les prêtres et séminaristes de la Fraternité Saint-Pierre, et aussi tous les autres qui nous font l’honneur d’entourer ces ordinands. Je salue évidemment les six ordinands, que je vais nommer en ordre décroissant d’âge : Alexis, Guilhem, Felipe, Paul, Nick et Baudouin. Je salue affectueusement leurs parents, leurs familles, leurs amis, qui sont venus nombreux pour les entourer en ce jour si important, pour eux mais aussi pour l’Église toute entière. Nous les entourons tous de notre amitié, de notre affection, de notre prière, de cette prière qui sera si intense en particulier au moment où nous chanterons la litanie des saints. C’est toute la communion des saints qui les entourera de cette prière, de cette intercession, lorsqu’il seront prosternés à terre en signe d’abandon total entre les mains du Seigneur, dont ils sont appelés à devenir les instruments de la grâce. L’Église triomphante, les saints du ciel, la bienheureuse Vierge marie, l’Église souffrante aussi – prions pour les âmes du défunts, mais qui prient aussi, et l’Église militante, tous ensemble d’un seul cœur, d’une seule âme, nous intercédons auprès du Seigneur pour qu’il communique en abondance le don de l’Esprit-Saint à ces ordinands.
À l’origine de la vocation : la rencontre
Ce fut très important pour moi de les rencontrer. Nous avons passé au mois de mai une journée ensemble à l’évêché de Bayonne, j’ai célébré la messe, j’ai pu consacrer leurs calices et leurs patènes, nous avons échangé tous ensemble, partagé un repas fraternel, et j’ai pu les rencontrer un par un. C’était important pour moi de connaître leur itinéraire, de connaître l’histoire de leur vocation. Je pensais d’ailleurs à cette réflexion si profonde du pape émérite Benoît XVI dans sa première grande encyclique Deus Caritas est, où il dit qu’à l’origine du fait d’être chrétien il n’y a pas une décision éthique, une grande idée, mais il y a une rencontre avec un événement, avec une personne qui donne à la vie un nouvel horizon, et par là son orientation décisive. Comme cela peut s’appliquer, ô combien, à la vocation sacerdotale. À l’origine de votre appel, de votre appel particulier au sein de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, je crois, après avoir entendu l’histoire de chacun, qu’il n’y a pas d’abord une décision éthique, je veux dire un acte militant, qu’il n’y a pas d’abord une idée préconçue, voire une idéologie, mais il y a une rencontre, avec un événement, une personne, qui donne à votre vie un nouvel horizon, et par là son orientation décisive. Des événements qui vous ont conduit à rencontrer la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre et à choisir de répondre à l’appel du Seigneur au sein de cette fraternité. Cela me semble très important de souligner ainsi la dimension charnelle de toute vocation et tout appel, on a tôt fait d’enfermer les fidèles, les prêtres et les communautés dans des schémas rigides et préconçus, au nom de constructions intellectuelles et idéelles qui rendent si peu compte de la réalité concrète et existentielle de votre vocation et ici en particulier d’une vocation sacerdotale.
Marie se lève
Voyez chers frères et sœurs comment cette fête de la visitation de la bienheureuse Vierge Marie à sainte Elisabeth éclaire d’une belle lumière l’ordination sacerdotale de nos frères. Comme dit saint Luc, en ces jours là, Maire se leva, partit vers les montagnes de Judée, vers cette ville de Judée que la tradition a identifiée à Ain Karim. « En ces jours là », qui est repris dans la proclamation liturgique de l’évangile : « in illo tempore » en ce moment, et qui signifie, sous la plume de saint Luc : en ces jours de l’annonciation, alors que le Verbe vient à peine de se faire chair, dans le sein virginal de Marie, sous l’action de l’Esprit-Saint ; voilà que Marie se leva, ce premier verbe tellement important, en grec donnera le mot anastasis qui veut dire la résurrection. Cela veut dire que pour Marie c’est une vie nouvelle qui commence, une montée, un itinéraire ou un pèlerinage de foi qui sera consommé à la croix et encore plus dans le triomphe de son assomption au ciel, en son corps et en son âme. C’est l’inauguration d’une mission nouvelle, celle d’être une porteuse du Christ, une éveilleuse des âmes à l’Esprit-Saint.
Pressée par la charité du Christ
« Elle se leva », et elle partit vers ces montagnes de Judée, « cum festinatione » dit le texte latin, c’est à dire non pas avec la fébrilité curieuse de celle qui veut vérifier les paroles de l’ange à propos d’Elisabeth, sa vieille cousine, celle que l’on appelait la femme stérile, qui est enceinte, et en est même à son sixième mois. C’est avec la promptitude de la charité, cette charité dont saint Paul nous dira « caritas Christi urget nos » – la charité du Christ nous presse – c’est la charité du Christ dont elle est déjà remplie depuis le jour de l’annonciation, qui la presse. Elle qui a dit à l’ange : ecce ancilla Domini, voici la servante du Seigneur, elle est pressée de servir l’humanité, de permettre au Christ de rencontrer l’humanité, de sanctifier l’humanité à travers Jean-Baptiste, dès le sein de sa mère. Quelle belle rencontre, n’est-ce pas, et pour vous, chers ordinands, c’est exactement ce qui va se passer. À l’appel de votre nom, vous allez vous lever. Cela veut dire pour vous que vous entrez maintenant dans une vie nouvelle, une mission va vous être confiée qui va être aujourd’hui inaugurée, vous vous levez pour monter, vous aussi, pour monter où ? À l’autel. Nous sommes ordonnés prêtres pour monter à l’autel. Altar : petite hauteur. Ce sera pour vous chaque jour le sommet de votre vie sacerdotale, où vous rendrez présent réellement le sacrifice sanglant du Christ offrant sa vie en sacrifice d’expiation pour les péchés du monde, de manière non sanglante, à travers le rite de l’eucharistie que nous célébrons chaque jour dans la personne du Christ, in persona Christi. Et vous mêmes, vous commencerez votre pèlerinage de foi comme prêtres, chaque jour vous pourrez, en célébrant la messe, parfaire votre propre offrande en union avec l’offrande du Christ et avec tout le peuple du chrétien. Apprendre à s’offrir avec le Christ pour la rédemption du genre humain. Le sacrifice de la messe, qui sera encore la source de toute votre vie sacerdotale, de tout votre ministère d’enseignement – avec l’autorité du Christ – de sanctification – dans la personne du Christ – de gouvernement – avec la charité pastorale du Christ.
L’allégresse de l’enfant
Lorsque Marie salua Élisabeth en entrant dans la maison de Zacharie, l’enfant qu’elle portait en elle tressaillit d’allégresse, et, remplie de l’Esprit-Saint, Élisabeth s’écria d’une voix forte – exclamavit voce magna – comment ai-je l’honneur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi, car, vois-tu, dès que ta salutation a frappé mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi. Oui, bienheureuse celle qui a cru en la parole qui lui fut dite de la part du Seigneur. « Il tressaillit d’allégresse », cela revient deux fois dans cet évangile de la visitation. Reprenant le mot qui décrit la danse de David dans le deuxième livre de Samuel devant l’arche d’alliance qu’il fait monter précisément à Jérusalem, l’exclamation à voix forte d’Elisabeth reprend aussi les acclamations liturgiques du peuple pendant que l’arche d’alliance monte vers Jérusalem. C’est bien Jean-Baptiste qui tressaille d’allégresse, sanctifié dans la rencontre avec le Christ présent en Marie, devant la nouvelle arche d’alliance qu’est la Vierge Marie, devant la nouvelle arche d’alliance qu’est l’Eglise, dont Marie est précisément la figure par excellence. Chaque fois que vous célébrerez la messe, que vous rassemblerez le peuple chrétien à l’heure du sacrifice vous apporterez la présence du Seigneur et c’est l’Église tout entière, demeure de Dieu parmi les hommes, qui provoquera les acclamations liturgiques du peuple chrétien, à travers le rassemblement liturgique du peuple chrétien. Vous voyez cet extraordinaire rassemblement, ce grand mystère de la visitation, l’humanité de Jésus est à sa plus simple expression, elle est embryonnaire, quelques jours depuis sa conception dans le sein virginal de Marie, par l’action de l’Esprit-Saint, et déjà l’humanité de Jésus communique par la puissance divine du Verbe fait chair la grâce de l’Esprit-Saint qui sanctifie Jean-Baptiste et qui remplit Elisabeth de l’Esprit-Saint.
Instruments de sanctification, pasteurs du troupeau
Quelle belle image suggestive du ministère sacerdotal qui va vous être aujourd’hui conféré. Vous deviendrez des instruments, configurés ontologiquement au Christ tête, pasteur, serviteur et époux de l’Église, par les gestes de votre ministère vous communiquerez la grâce de l’Esprit-Saint, vous serez les instruments de la puissance divine, que vous recevez comme un trésor inestimable, dans des vases d’argile, c’est à dire dans des poteries sans valeur. Ayez conscience que vous représentez le Christ au sein du peuple chrétien, que vous rendez présent le Christ, au point que l’on pourra vous dire alter Christus, autre Christ, ipse Christus, le Christ même, comme dit la tradition. Vous pourrez dire avec Saint Jean-Baptiste, lorsqu’on lui demandait « qui es-tu ? », « je ne suis pas le Christ », car votre humanité ne sera pas comme celle de Jésus l’instrument conjoint de la divinité en vertu de l’union hypostatique. Votre humanité restera séparée, votre humanité restera celle d’un homme pécheur, réconcilié par la grâce du baptême, mais qui aura toujours besoin de conversion. Rappelez-vous que vous devrez toujours demeurer d’humbles serviteurs, venus comme Jésus, non pas pour être servis, mais pour servir, et donner votre vie en rançon pour la multitude. Rappelez-vous que vous aurez, comme dit saint Pierre dans sa première épître, à paître le troupeau de Dieu, qui ne sera jamais votre troupeau, que vous ne pouvez jamais accaparer à votre personne et à votre autorité, qui demeurera toujours le troupeau de Dieu. Mais vous aurez à le paître, non pas en commandant en maître à ceux qui vous seront confiés, en devenant les modèles du troupeau, appelés sans cesse, avec vos frères et sœurs baptisés du peuple chrétien, à devenir des saints et à vous convertir toujours davantage en prenant cette parole de saint Jean Baptiste : il faut qu’il croisse, lui, dans les âmes, et que moi, je diminue.
Entrer dans un combat
Enfin, pensez à cette acclamation d’Élisabeth devant la Vierge Marie, après avoir entendu sa parole de salutation : « tu es bénie entre les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. » Savez-vous que cette parole fait référence à l’acclamation du peuple d’Israël devant Judith, dans le livre de Judith, qui revient victorieuse avec la tête d’Holopherne, le chef de guerre de l’armée ennemie. C’est dire cette victoire, comme si Élisabeth annonçait de manière mystérieuse que Marie serait engagée, est engagée, dans ce combat de la descendance de la femme contre la descendance du serpent, dont elle écraserait la tête. Mieux encore, qui évoque ce combat eschatologique de la femme de l’apocalypse, contre le dragon des origines, celui que l’on appelle diable ou Satan, qui se tient devant elle sur le point d’enfanter pour dévorer l’enfant. Comme pour lui dire qu’elle sera engagée dans ce combat dont elle sera victorieuse définitivement dans le triomphe de son assomption. C’est l’invitation pour vous aussi au combat. Vous serez appelés au combat, en cette période difficile que nous traversons, où l’Église est aux prises avec tant de turbulences, extérieures sans doute, mais aussi intérieures. Ce combat pour lequel vous devez être fortifiés aujourd’hui, c’est le sens de l’onction des mains avec l’huile des catéchumènes, pour que vous soyez forts. Comme dit le pape François dans sa lettre apostolique sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel : la vie chrétienne – et ô combien la vie sacerdotale – est un combat permanent ; il faut de la force et du courage pour combattre les tentations du diable et annoncer l’Évangile.
Faites tout ce qu’il vous dira
Tournez-vous, et tournons-nous avec eux, chers frères et sœurs, vers la Vierge Marie dont nous célébrons aujourd’hui précisément la visitation, elle vous dit, comme aux noces de Cana aux servants qui préfiguraient d’une certaine manière les ministres de la sainte eucharistie : « faites tout ce qu’il vous dira ». Aujourd’hui il vous dira : « faites cela en mémoire de moi ». Il vous dira encore : « recevez l’Esprit-Saint, tous ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leurs seront remis, tous ceux à qui vous les maintiendrez, ils leurs seront maintenus. »Il vous dira encore « voici mon commandement, aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » ; « je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître, je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître » ; « mon commandement, le voici, comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. » Amen.