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Histoire de la Bible en Français

La Sainte Bible traduction de Sacy
Avant de donner quelques pistes et principes pour bien choisir sa Bible (en traduction vernaculaire), revenons sur l’histoire de la traduction de l’Écriture Sainte en français : un sujet sur lequel on entend parfois certains préjugés ou approximations…

 

Les origines médiévales

La première traduction de la Bible en français remonte au XIIIe siècle, plus précisément entre 1226 et 1250, et est l’œuvre d’un certain Jean le Bon, de l’Université de Paris. Mais c’est un travail de qualité inégale, par ailleurs inachevé dans un premier temps, et qui n’obtint que peu de succès. On se contentait à l’époque, et pour quelques siècles encore, des bibles « historiales », basées sur une sélection des histoires les plus importantes. C’est par exemple celle de Guyart Desmoulins, copie pour la première fois en 1297, qui sera encore la première Bible imprimée en français, en 1498.

Le tournant vers une vraie traduction au sens moderne du terme, sans coupures ni ajouts, ne se fait qu’au début du XVIe siècle, grâce à un brillant humaniste, Jacques Lefèvre d’Etaples, prêtre et bibliothécaire de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés à Paris. En 1523, il publie une traduction complète du Nouveau Testament à partir de la Vulgate, mais avec une soixantaine de corrections inspirées par les manuscrits grecs. Ce travail est condamné en 1525 par le Parlement et la Sorbonne, qui y dénoncent une influence protestante et s’opposent aux premiers résultats de la philologie humaniste. Lefèvre d’Etaples fait toutefois paraître en 1528 à Anvers son Ancien Testament. L’ensemble est réuni en 1530 sous le titre La Sainte Bible en français. Une version corrigée paraît en 1578, appelée communément Bible de Louvain.

En 1546 le Concile de Trente intervient dans ces débats, alors que Luther avait proposé sa propre traduction allemande de la Bible (considérée comme un événement fondateur de la langue elle-même) et que le protestantisme prend pour principe « sola scriptura » (l’Écriture seule). Au cours de sa IVe session, le concile « canonise » la Vulgate (traduction latine de saint Jérôme), déclarée « authentique ». Contre le foisonnement des traductions plus ou moins fantaisistes, il exige aussi que les Bibles reçoivent l’imprimatur (autorisation d’impression délivrée après contrôle par l’autorité ecclésiastique : le plus souvent par l’évêque du lieu).

Peu après, paraît la Bible de Sébastien Castellion (La Bible Nouvellement Translatée :1515-1563), un érudit protestant qui évolue dans l’entourage de Rabelais, Ronsard et du Bellay, et qui souhaite mettre la Bible à la portée des gens sans culture classique. Il réalise une traduction de la Bible très compréhensible en faisant preuve d’une certaine audace : il invente des néologismes pour rendre certaines expressions idiomatiques des langues originales dans le français de son temps. Cette traduction que l’on peut qualifier de populaire, et qui se démarque donc des précédentes, est publiée pour la première fois en 1555 (elle fut rééditée 2005).

L’âge du classicisme : la Bible de Port-Royal (1657-1696)

Le principal maître d’œuvre de la traduction classique du Grand Siècle fut Isaac Lemaître de Sacy (1613-1684). D’autres grands noms du jansénisme y ont participé, comme Blaise Pascal, Pierre Nicole et Antoine Arnauld. Le texte de base en est la Vulgate, mais Sacy travaille également avec l’hébreu et le grec sous les yeux ; il signale et commente ainsi les passages où le latin s’écarte des originaux. Son Nouveau Testament, interdit en France, paraît à Mons en 1667. Il travaille ensuite à une traduction de l’Ancien Testament qui sera achevée en 1693, soit dix ans après sa mort. En 1696 paraît enfin la Bible complète, en 32 volumes. En 1701 elle est publiée à Paris. Ce sera la principale Bible française pendant deux siècles, reconnue pour son éminente qualité littéraire, celle du français le plus classique (avec l’usage du vouvoiement). Corrigée dans le sens de l’orthodoxie catholique (puisqu’elle était marquée en certains passages par l’erreur janséniste) et rééditée de multiples fois, elle a été la Bible de Chateaubriand, Victor Hugo ou Arthur Rimbaud (on possède sa bible, annotée de sa main). Stendhal en a dit : « À mes yeux la perfection du français se trouve dans les traductions publiées vers 1670 par les Solitaires de Port-Royal ». La perfection du français du XVIIe siècle, certes, mais non les exigences scientifiques pour un traducteur ou un lecteur d’aujourd’hui… Elle a été rééditée en 1990 chez Robert Laffont (reprise de l’édition originale), avec de bonnes introductions de Philippe Sellier, mais sans notes. En octobre 2024, les éditions du Cerf ont republié l’édition de 1759.

 

La Bible en français au XIXe siècle

Professeur d’hébreu à la Sorbonne, religieux jésuite, Jean-Baptiste Glaire (1798-1879) est un fin connaisseur des langues anciennes. De nombreux évêques, et le pape Pie IX lui-même, réclament une traduction actualisée du Nouveau Testament. Le père Glaire s’attaque donc à la traduction du Nouveau Testament dans le strict respect des directives pontificales. Prenant comme texte source la version de la Vulgate approuvée en 1856, il s’inspire largement de la version de Sacy, et la modifie quand cela est nécessaire. Il refuse toute élégance de style et s’en tient à une stricte littéralité. Le Nouveau Testament publié pour la première fois en 1861 reçoit en 1865 l’approbation du pape. La Bible complète est publiée en trois volumes entre 1871 et 1873. Elle demeure pendant une trentaine d’années la version de référence dans le catholicisme français, avec le soutien de la hiérarchie. En 1890 paraît une nouvelle version assortie de commentaires par Fulcran Vigouroux (1837-1915 : prêtre de Saint-Sulpice, professeur d’Écriture Sainte puis premier secrétaire de la Commission Biblique Pontificale, directeur de la publication du monumental « Dictionnaire de la Bible »), encore améliorée en 1902. Elle a été rééditée en 2002, puis 2019 (Editions DFT).

– Prêtre de la paroisse de Saint-Sulpice à Paris, Louis-Claude Fillion est un disciple du grand Vigouroux. Fillion est nommé professeur d’exégèse à l’Institut catholique de Paris et devient l’un des premiers consulteurs de la Commission biblique pontificale. Sur les conseils de Vigouroux, Fillion commence par commenter et traduire les évangiles, puis se lance dans le reste de la Bible. Sa Sainte Bible est publiée en huit volumes entre 1888 et 1904. Fillion vise nommément, dans le sous-titre qu’il donne à son édition, un public de séminaristes et de prêtres. Sa traduction suit de très près la Vulgate et reste influencée par la version de Sacy et par les diverses éditions du XIXe siècle. Tournant le dos à la critique historique qui s’est développée dans les milieux protestants, notamment en Allemagne, Fillion s’en tient à une lecture traditionnelle des textes bibliques. Il utilise un langage clair et sobre.

C’est sur la base de ces ambitieuses entreprises de traduction destinées au grand public que seront établies les versions encore largement utilisées aujourd’hui. Nous les présenterons dans un prochain article afin de donner quelques éléments de discernement au moment de choisir une Bible en français.

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