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Euthanasie et médecine : mariage forcé envisagé ?

Nous avions fait état en octobre 2022 de la publication d’un nouveau rapport du Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) sur la fin de vie. Nous y avons lu une inquiétante dérive des « sages » de la République, ouvrant grand la voie à une légalisation prochaine du suicide assisté puis de l’euthanasie.

La consultation citoyenne sur la fin de vie

C’est malheureusement dans un silence médiatique assourdissant que le processus bien huilé que nous voyions alors démarrer s’est mis en œuvre : la « Consultation Citoyenne » dont l’organisation a été confiée au Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) doit se terminer prochainement, mais ses conclusions se dessinent déjà.

Pour quiconque se serait bercé de quelques illusions quant à l’objectivité de cette démarche consultative, un regard rapide sur la liste des intervenants ou sur la bibliographie proposée aux citoyens participants est malheureusement instructif. L’écrasante majorité des témoignages et des retours d’expérience proposés sont issus de personnes favorables à l’euthanasie, les aperçus donnés sur la situation dans les pays étrangers se concentrent sur ceux où les hôpitaux sont déjà devenus des lieux où l’on donne la mort (Belgique, Québec, Suisse, Oregon…). L’intervention des dignitaires religieux est mise sur le même pied que celle des représentants des loges maçonniques, qui ont pu compter sur un temps de parole supérieur à celui de l’Église. Quant à l’expertise unique de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP), elle est placée face à la prise de position ultra-militante de l’Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité (ADMD).

Un bilan sans surprise, au-delà des attendus

Les résultats étaient donc prévisibles, et ils apparaissent déjà, à travers les premiers votes des 185 citoyens « tirés au sort » pour participer à la consultation, rendus publics le 19 février dernier. L’ordre même des questions posées au collège reflète la stratégie des « petits pas » que nous dessinions à l’automne dernier : après avoir fait constater que la situation actuelle de prise en charge de la fin de vie est insuffisante, on pose la question de l’« aide active à mourir » – le terrible cache-misère sémantique sous lequel on devra désormais désigner la mort donnée par ceux dont la vocation est de soigner et guérir. Cette « aide » est d’abord envisagée sous l’angle du suicide assisté, avec des votes qui font déjà froid dans le dos : la majorité en faveur de son autorisation est écrasante (121 pour, 33 contre et 13 abstentions), mais elle est bien plus terrifiante lorsqu’il s’agit de son ouverture aux mineurs (92 pour, 37 contre et 35 abstentions), ou des conditions à poser pour accéder à ce dispositif (majorité pour une autorisation même lorsque le pronostic vital n’est pas engagé). Les mêmes résultats sont naturellement déclinés pour l’euthanasie à proprement parler : large majorité pour la légalisation, l’ouverture aux mineurs, et sans que le pronostic soit nécessairement engagé. Cerise – empoisonnée – sur le gâteau démocratique, les citoyens ne semblent pas capables de se départager sur la nécessité d’une expression formelle de la volonté « libre et éclairée » du patient.

Voilà donc dessinés en quelques terribles chiffres l’avenir effrayant de la fin de vie en France : les hôpitaux, lieu de soin et de vie, semblent condamnés à devenir des lieux de mort et de suppression des plus faibles.

La réaction des soignants

Lueur d’espérance dans un tableau bien noir : les soignants des divers corps de métiers médicaux semblent enfin prendre la mesure du cataclysme que représenterait pour leur monde une légalisation du suicide assisté puis de l’euthanasie. 13 organisations, représentant plus de 800000 professionnels, ont publié le 16 février une tribune refusant absolument toute « aide active à mourir. » Ils font état d’un consensus fort face au risque de transformer le sens de leur métier. Leur regard lucide permet de dénoncer le « message insoutenable » qu’adresserait aux personnes âgées, malades et dépendantes une légalisation de l’euthanasie. Les mouvements les plus en pointe dans la lutte contre le cancer ou le développement des soins palliatifs déplorent le terrible coup d’arrêt que porterait une telle éventualité aux progrès immenses réalisés dernièrement dans leurs domaines : à quoi bon continuer à soutenir la coûteuse recherche sur le cancer, ou affiner les protocoles complexes d’accompagnement de la souffrance, si la « solution » simple et rapide de l’aide à mourir était ouverte. Les soignants affirment clairement refuser de prendre part aux quatorze étapes identifiées de la démarche euthanasique (du recueil de la demande à l’administration du produit létal, en passant par la discrimination des patients). Ces hommes et femmes impliqués au quotidien dans le soulagement des patients soulignent qu’une telle légalisation aurait des répercussions sur toute la chaîne de soins. Comment ne pas s’inquiéter de cette nouvelle déstabilisation du système hospitalier français, déjà grevé par des faiblesses de longue date et terriblement ébranlé par la récente crise sanitaire ? Le gouvernement peut-il se permettre d’imposer à 800000 soignants une disposition qui va directement contre leur conscience, à l’heure où les vocations se raréfient et se fragilisent, où les personnels hospitaliers sont soumis à une pression sans cesse croissante, dans des atmosphères de travail lourdes et difficiles ?

La vraie réponse que tous oublient : les soins palliatifs

L’apport de ce collectif ne s’arrête pas à la dénonciation du processus législatif à l’œuvre : les organisations qu’il représente ne ferment pas les yeux sur la souffrance des personnes en fin de vie. Forts de leur expérience d’accompagnement, ils soulignent toutefois qu’une demande d’aide à mourir n’est pas à prendre comme une volonté d’euthanasie mais comme un appel à l’aide, qui doit être pris en charge dans le cadre du soin et de la médecine, dont l’objectif n’est jamais de donner la mort mais d’aider la vie. L’urgence, concluent-ils, n’est certainement pas d’enfoncer un coin supplémentaire dans les failles de notre système hospitalier, ou de décourager définitivement tout progrès dans l’accompagnement de la fin de vie, mais de prendre enfin les mesures nécessaires pour développer partout les soins palliatifs – la vraie réponse, médicale et humaine, aux souffrances et aux angoisses de l’humanité face à la mort prochaine.

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