Le Carême s’ouvre aujourd’hui avec l’imposition des cendres, qui nous rappelle notre condition d’hommes pécheurs et mortels : « Memento homo, souviens-toi, homme, que tu es poussière, et que tu retourneras en poussière ». Reçues avec foi, les cendres disposent notre cœur à l’humilité et à la simplicité, conditions indispensables pour accueillir la grâce de la miséricorde de Dieu.
Ainsi passe la gloire de ce monde
Autrefois, lorsqu’un cardinal était élu Pape, était célébrée ce qu’on appelle la « Messe de Couronnement du Pape » au cours de laquelle le nouveau Pontife prenait officiellement et solennellement possession de sa charge. Sortant de la sacristie de la basilique Saint-Pierre, le Pape fraichement élu remontait l’allée centrale mais avant de parvenir à l’autel, il était par trois fois arrêté par un cérémoniaire qui lui montrait un bâton en argent dans lequel brûlait de l’étoupe, si bien que cela donnait l’impression que c’était l’argent lui-même qui fumait, que c’était ce métal hautement précieux qui partait en fumée. Le cérémoniaire accompagnait ce geste d’une parole sans détour : « Pater sancte, sic transit gloria mundi » : « Très saint Père, ainsi passe la gloire de ce monde ». La gloire des honneurs, des richesses et du faste que vous allez recevoir : elle passe comme fumée dans le vent. Si elle vous est donnée, souvenez-vous que c’est pour honorer le Christ que vous représentez mais que, de cette gloire, vous n’emporterez rien dans l’éternité. Que cette gloire même pourra vous être enlevée dès cette vie, si vous devez souffrir persécution et martyre par fidélité pour le Christ. Aussi, loin de rechercher cette gloire, tournez toujours votre cœur vers Dieu : « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ». Si tu mets ton trésor en Dieu, ton cœur sera toujours avec Dieu et comme Lui, il sera grand, beau, vivant ; si tu places ton trésor dans ces honneurs qui passent – dans l’unique joie de célébrer dans de riches et fastueuses basiliques, de voir s’agenouiller devant toi rois et empereurs – ton cœur sera comme cette fumée : léger, éphémère, bientôt inexistant.
Des Rameaux aux cendres, à l’exemple du Christ
Le rite des cendres que nous venons de recevoir a même signification : il nous rappelle combien les gloires de ce monde passent vite. D’où vient cette cendre, en effet ? Des buis verdoyants que nous brandissions l’an dernier dans la marche triomphale du Dimanche des rameaux ! Il y a un an, branches pleines de vie et d’allégresse, aujourd’hui cendres noires et sèches. Disons même plus : ces rameaux rappellent les branchages qu’agitaient les Hébreux en l’honneur du Christ. Or, que sont-elles devenues ces branches – non pas un an après mais seulement cinq jours après ? Elles gisaient à terre, piétinées par la foule qui criait : « À mort, crucifie- le ! ». Ainsi passe la gloire du monde : le Messie acclamé, cinq jours après, était frappé, couvert de crachats et crucifié comme un malfaiteur.
Plaire à Dieu : voilà la gloire qui ne passera jamais
Ces cendres nous rappellent ainsi combien la gloire du monde est éphémère, combien il est périlleux de ne miser que sur elle. La popularité se conquiert rarement sans péché, se conserve rarement sans orgueil, se perd rarement sans amertume. Aujourd’hui, vous êtes tout – demain, vous n’êtes plus rien. Aujourd’hui, vous êtes admiré pour votre beauté, votre force, votre intelligence mais que vienne une plus belle, un plus fort, des esprits plus éclairés et vous voilà oubliés ! Que ferons-nous donc ? Écoutons l’Évangile: choisissons de vivre selon la vérité – non pour séduire et capter l’attention mais pour faire ce qui est vrai, juste et droit. Sous le regard de Dieu. Pour plaire à Dieu, il est inutile de faire la danse du ventre, de brandir des records ou des bulletins de notes de génie. Dieu nous aime avant tout cela, au-delà de tout cela : Il ne demande qu’une réponse d’amour à son propre Amour. Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. Où plaçons-nous notre trésor ? Dans la gloire qui passe ou en Dieu qui nous aime ?
Pour ce Carême, vivons dans la vérité ; ne recherchons pas d’abord à séduire et à plaire. Si nous plaisons – pourvu que ce soit sans péché, tant mieux ! Si nous déplaisons – pourvu que ce soit également sans péché, encore mieux : nous aurons ainsi plus de liberté pour rencontrer Dieu. Faisons en cette sainte Quarantaine, un jeûne de séduction. Commençons par prendre plus de temps sous le regard et en présence de Dieu – prière ! – nous aurons ainsi moins faim d’honneur et de reconnaissance – jeûne ! – et plus de temps pour nous donner d’un esprit libre et généreux à ceux qui nous entourent – aumône ! Saint Carême à tous, loin de l’hypocrisie et de la séduction mais plus près de la vérité !
Source : FSSP Besancon