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Charles de Foucauld par Pierre Sourisseau (1 sur 2)

Cela fera cette nuit 106 ans que Charles de Foucauld, canonisé il y a moins d’un an par le saint Père, rendit à Dieu sa belle âme, dans la nuit du 1er au 2 décembre 1916, sous les étoiles du Sahara, devant la porte de son ermitage fortifié de Tamanrasset.

 

Archiviste de sa cause de canonisation, Pierre Sourisseau a publié en 2016 une biographie monumentale de l’ermite du Hoggar, qui vient faire connaître sous un jour nouveau un homme que beaucoup pensent connaître et dont l’hagiographie classique (la célèbre vie de René Bazin, la belle bande dessinée de Jijé…) a dressé une image aboutie. Sous la plume de l’historien et au gré de l’exhaustivité de ses recherches, Charles de Foucauld révèle toutefois un visage inattendu et attachant.

Jeunesse orpheline mais toutefois heureuse

Sa jeunesse est celle d’un garçon qui avait tout pour être heureux : une bonne famille, catholique, de bourgeoisie ou de noblesse lorraine et alsacienne, des parents aimants, une petite sœur – Marie – qui vient rapidement rejoindre le foyer. Mais la mort de ses parents, puis de son oncle, puis du grand-père à qui les deux orphelins avaient été confiés, vient chambouler l’existence du jeune Foucauld. Élevé malgré tout dans un entourage bienveillant, il lui manquera certainement le cadre parental restreint qui aurait dû permettre à ce tempérament d’artiste-né, attiré par l’aventure et le mystère, de grandir selon un ordre assuré. Il reçoit une bonne éducation cependant, dans le cadre élargi d’une famille présente et unie, et l’on peut considérer qu’il a une enfance relativement heureuse – du moins quant à l’extérieur. Son entourage est croyant et convaincu et lui transmet la foi. Il est un enfant rêveur, un grand lecteur, mais qui se trouva probablement détourné de Dieu vers la fin de l’adolescence – comme beaucoup de ses contemporains – par des lectures critiques et par l’atmosphère intellectuelle matérialiste de son temps.

 

Études et carrière militaire

Grandissant dans une famille aux destinées brillantes, Charles est orienté vers des études prestigieuses : on lui trouve une place à l’école « des Postes », célèbre institution (aujourd’hui le Lycée Sainte-Geneviève à Versailles) où les Jésuites préparent déjà depuis une trentaine d’année les candidats aux concours des grandes écoles : Polytechnique, Navale, Saint-Cyr. Ses résultats scolaires moyens – sans être déshonnêtes – font que Charles est orienté par défaut vers Saint-Cyr. Ce premier tournant pris par son existence, sans qu’il l’ait apparemment désiré, explique le peu d’affection de Foucauld pour la vie militaire : ce qui lui a plu dans la vocation d’officier, c’est sans doute la possibilité entrevue de l’aventure, mais bien peu l’aspect du commandement et de l’organisation pratique d’une garnison. Les témoignages que recueille Pierre Sourisseau des temps de son passage à « Ginette », à Saint-Cyr, Saumur ou en garnison (à Pont-à-Mousson) ne présentent pas l’image du débauché libertin que l’on a parfois voulu coller au jeune lieutenant. Le futur converti a par ailleurs pu, dans la radicalité de son retour à Dieu, exagérer certains travers de sa vie passée : le parallèle avec les Confessions et le parcours de saint Augustin est fait ici par l’auteur.

Afrique, premier amour

La rencontre avec l’un des amours de sa vie : l’Afrique, a lieu lorsque son régiment y est envoyé, mais est d’abord une déception – retrouvant en Algérie la morne vie de garnison qu’il connaissait en Lorraine, Charles s’arrange (en entretenant notoirement une concubine) pour être renvoyé de l’armée. On pourrait croire qu’Abd el Krim, chef tribal et militaire opposé à la domination française, n’attendant que son retour vers le continent pour déclencher la guerre du Rif. Mortifié d’avoir laissé passer l’occasion de participer à l’aventure, Foucauld abandonne sa compagne sur les bords du Léman – il avait établi ses quartiers à Evian – et fait des pieds et des mains pour rejoindre les unités combattantes. Son désir sera exaucé et il fera des premières armes remarquées dans les étendues du Sahara, où il nouera aussi des amitiés qui dureront autant que sa vie, notamment celle de Laperrine, futur général et commandant du Sahara français.

 

L’aventure marocaine

La fin de la guerre sonne le retour de l’ennui, que Charles ne peut décidément supporter : quittant à nouveau l’armée, il caresse des projets d’exploration, qui vont peu à peu s’orienter vers un territoire mystérieux et totalement fermé aux européens – le Maroc. La suite de l’histoire est connue : accompagné par le juif Mardochée et déguisé en jeune rabbin-médecin, Foucauld arpente le Maroc et y collecte des données qui lui vaudront les honneurs des sociétés géographiques d’Alger et Paris. De retour en métropole, il est tiraillé entre le désir de s’établir – songeant sérieusement au mariage – et le goût irrépréhensible de l’aventure, alors qu’on l’encourage à poursuivre sa carrière d’explorateur.

Nouvelle aventure

C’est l’aventure qui l’emportera, mais dans un domaine inattendu, car sous l’influence bienfaisante de sa cousine Marie de Bondy, Foucauld entend parler d’un prêtre dont les prédications font accourir les parisiens entre les murs récemment élevés de l’église Saint-Augustin : c’est l’abbé Huvelin qui recueillera la première confession de Charles depuis de longues années et qui orientera son désir radical de retour à Dieu. Cette conversion avait été préparée par le contact avec les Marocains, peuple dont Charles constate le profond sens religieux. À son retour en France il formule pour la première fois cette énigmatique prière de l’agnostique : « Mon Dieu, si vous existez, faites que je vous connaisse. » Commence une longue relation de paternité et filiation spirituelle avec l’abbé Huvelin, qui durera près de vingt-cinq ans, et recoupe la destinée spirituelle hors du commun de l’ancien lieutenant et explorateur du Maroc. Notre aventurier s’oriente en effet rapidement vers un nouveau type de radicalité : la vie religieuse trappiste. Toujours attiré par l’Orient, Foucauld entre à Notre-Dame des Neiges (Ardèche) pour être envoyé dans son prieuré syrien alors en pleine fondation. Il y restera près de sept ans, mais la règle cistercienne stricte ne semble pas suffire à notre aventurier, qui ne cesse de caresser, de formuler – et de coucher sur le papier – des projets établissant une règle plus rigoureuse encore. Le pauvre abbé Huvelin essaie tant bien que mal de diriger à distance et par lettre les voies mystérieuses d’une âme d’exception, d’un tempérament de feu qui cherchera toute sa vie une stabilité sans jamais s’y reposer pleinement. Recevant coup sur coup les versions successivement établies par Charles de sa règle des « Petits frères de Jésus », la communauté que notre converti désirait fonder, l’abbé Huvelin voyait s’enraciner le désir de Dieu dans cette âme de feu, en même temps qu’il pressentait combien il serait délicat de la diriger dans les voies de l’Esprit-Saint, comprenant sans doute que jamais Foucauld ne pourrait véritablement fonder une communauté stable. La lecture de ces textes, si l’on passe sur leurs austérités croissantes, renseigne sur les aspirations spirituelles profondes de Foucauld : la dévotion eucharistique, l’attrait pour l’Orient et l’Afrique, et surtout la vie évangélique à l’image de la Sainte Famille à Nazareth. Ces trois orientations structurent vraiment la vie de Foucauld, elles se retrouvent tout au long de la biographie et dans ses divers écrits.

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