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Ce cierge que l’on éteint

Le diacre a longuement chanté son éloge dans l’Exultet de la vigile de Pâques. Il a brillé durant tout le temps pascal. Il sera éteint après la lecture de l’évangile de l’Ascension, pour n’être rallumé qu’en de rares – mais joyeuses – occasions : le cierge pascal.

Qu’est-ce que le cierge pascal ?

Ce doit être une chandelle large, de cire blanche, où sont pratiqués cinq trous aux endroits où seront fixés – lors de l’introduction de la vigile pascale – les cinq grains d’encens[1]Les grains d’encens expriment deux idées: la mort et la gloire. Ils rappellent les parfums du tombeau et leur disposition en croix précise le genre de supplice qui détermina la mort. Ils … Continue reading.

Il est allumé au feu nouveau, béni par le prêtre à l’entrée de l’église, puis porté solennellement par le diacre, introduisant peu à peu la lumière du Christ dans la pénombre de l’édifice : à chaque répétition du cri de joie « Lumen Christi, Deo gratias, » on allume les cierges que tiennent le célébrant, les ministres puis les assistants. Le cierge est ensuite placé sur un grand candélabre orné, qui demeure au milieu du chœur durant la première partie de la vigile. C’est là que le diacre procède à sa bénédiction solennelle (une des rares bénédictions concédées au diacre par la liturgie traditionnelle), après l’avoir encensé, au chant de l’Exultet.

Le candélabre doit ensuite être placé sur le pavé, du côté de l’évangile[2]S.R.C. n. 2890 ad 2, il y demeure jusqu’au jour de l’Ascension.

Il doit être allumé aux messes et aux vêpres chantées (ou aux messes basses qui les remplacent) des trois premiers jours de l’octave de Pâques, du samedi in albis, des dimanches du temps pascal et à la messe solennelle de l’Ascension[3]S.R.C. n.235 ad 11 ; Mem. Ritum, tit VI, c2, n.6. C’est un minimum puisque les sources[4]tant le Memoriale que le décret de la Sacrée Congrégation ajoutent que si c’est l’usage, on allumera le cierge à d’autres jours et Offices solennels.

Il ne doit cependant pas être allumé quand la bénédiction du Saint-Sacrement est donnée avec l’ostensoir, sauf si cette bénédiction suivait immédiatement un office liturgique où le cierge brûlait déjà (les vêpres par exemple), ni pendant les offices qui sont nettement en marge de la liturgie pascale et de sa joie (la messe de station de saint Marc et des Rogations le 25 avril, les messes et offices des défunts).

Le jour de l’Ascension et après

Après le chant de l’évangile, au jour de l’Ascension, le Missel et le Memoriale Rituum prescrivent d’éteindre le cierge pascal, tout en le laissant sur sa base jusqu’à la fin de la messe. Dans le rit ambrosien le cierge s’élevait alors lentement jusqu’à la voûte, image de l’ascension du Christ[5]cf. Cabrol, Fernand, Dictionnaire d’Archéologie Chrétienne et de Liturgie, Paris, Letouzey et Ané, 1914, t. III, vol. 2, col. 1614-1615. Cet usage est pratiqué dans la cathédrale – le Duomo – de Milan, où le cierge pascal est posé sur un candélabre solennel, particulièrement imposant, une œuvre du XVe siècle que l’on appelle le ciloster. Après le chant de l’évangile, le ciloster s’élève lentement vers les voûtes de la cathédrale (parmi les trois plus hautes au monde), où il reste suspendu jusqu’à la fête de Pâques de l’année suivante[6]on voit cette cérémonie encore pratiquée dans le rit ambrosien dans la vidéo suivante, prise lors de la messe de l’ascension au Duomo de Milan en 2019, à partir de 22:34.

Dans le rite romain, le cierge est conservé en sacristie jusqu’à l’année suivante. Il n’est de sortie que pour les baptêmes, où l’on peut le faire brûler auprès des fonts, afin d’y allumer le cierge donné au néophyte en signe de son illumination par la lumière de la foi.

Le symbolisme du cierge pascal

Les cierges mirent quelques siècles à s’imposer dans la liturgie chrétienne, car ils étaient assimilés par les premiers Pères – comme l’encens – aux rites païens. On comprit toutefois que ces éléments du culte (lumière, fumée, ablutions, prostrations…) sont d’un emploi indifférent en lui-même, tirant leur signification du but dans lequel on les pratique. Les cierges et les candélabres étaient souvent allumés dans les cimetières et lors des cérémonies d’obsèques, symbolisant la splendeur du ciel, l’illumination de la foi, la beauté de la joie chrétienne[7]cf. Cabrol, Fernand, Dictionnaire d’Archéologie Chrétienne et de Liturgie, Paris, Letouzey et Ané, 1907, t. I, vol. 2, col. 2940. On peut s’émerveiller que le cierge, concentrant les idées de mort et de vie, en soit venu à symboliser le Christ mort et ressuscité.

Éteint, le cierge figure en effet la colonne de nuée qui couvrit les hébreux à leur sortie d’Égypte et les déroba aux regards de leurs poursuivants. Mais il symbolise encore et surtout Jésus inanimé dans le tombeau.

Allumé, il rappelle la colonne lumineuse qui guidait les Israélites dans le désert. Alcuin écrit ainsi :

De même que le peuple hébreu sous la colonne de feu qui l’éclairait pendant la nuit traversa la mer Rouge, et après avoir triomphé de tous ses ennemis pendant le voyage, entra dans la terre promise, ainsi nos baptisés, après que leurs péchés ont été effacés, sont chaque jour conduit à l’église par la colonne du cierge allumé qui les précède[8]PL 170 col 1233.

Mais plus encore, le cierge allumé est le Christ ressuscité au matin de Pâques. Et Hugues de Saint Victor peut ajouter : 

Ce cierge, c’est le Christ. La cire c’est son humanité et le feu sa divinité. Il précède et éclaire les catéchumènes se rendant au baptême comme jadis la colonne de feu précéda les fils d’Israël quand ils passèrent la mer Rouge, les éclairant pendant la nuit et les ombrageant pendant le jour[9]PL 176 col 474.

Or le passage de la mer Rouge est une figure du baptême, et la Vigile pascale est justement la vigile du baptême.

Ce symbolisme de la lumière est pleinement développé dans le chant de l’Exultet :

 Cette lumière, bien qu’elle soit divisée en parties, n’est aucunement diminuée en se communiquant. 

Que ce Cierge consacré en l’honneur de votre nom brûle sans cesse pour dissiper les ténèbres de cette nuit. Que sa lumière, reçue comme un suave parfum, se mêle aux lumières célestes. Que l’Étoile du matin trouve encore sa lumière ; cette Étoile, dis-je, qui ne connaît pas de soir, celle qui sortie des ténèbres, éclaire de sa lumière sereine le genre, humain. 

Les grains figurent les aromates que les Saintes Femmes apportèrent au tombeau pour embaumer le Corps du Sauveur, et aussi les cinq plaies du Divin Crucifié.

Au moyen âge, on représentait encore le cierge comme un arbre ou une colonne ; il était l’arbre qui apporte le salut par opposition à l’arbre qui à l’origine des temps avait apporté la mort.

Références

Références
1 Les grains d’encens expriment deux idées: la mort et la gloire. Ils rappellent les parfums du tombeau et leur disposition en croix précise le genre de supplice qui détermina la mort. Ils sont au nombre de cinq, un pour chaque plaie, et c’est encore la croix qui fut l’occasion de ces plaies, que Jésus-Christ conserve sur son corps ressuscité en stigmates glorieuses. Mgr Barbier de Montault écrit : « Il fallait faire dire à la matière que les plaies du Sauveur sont devenues glorieuses et permanentes. Voici comment on s’y est pris et certainement on ne pouvait mieux réussir. Partant de ce point admis partout que l’encens s’offre en hommage à la divinité, symboliser les plaies par l’encens, c’était déjà reconnaître, affirmer cette même divinité. Donner à ces cinq grains la forme d’une pomme de pin, c’était prendre à l’antiquité païenne une de ses conceptions les plus populaires, celle de l’immortalité, symbolisée par ce fruit qui doit sa conservation à la résine dont il est imprégné. »
2 S.R.C. n. 2890 ad 2
3 S.R.C. n.235 ad 11 ; Mem. Ritum, tit VI, c2, n.6
4 tant le Memoriale que le décret de la Sacrée Congrégation
5 cf. Cabrol, Fernand, Dictionnaire d’Archéologie Chrétienne et de Liturgie, Paris, Letouzey et Ané, 1914, t. III, vol. 2, col. 1614-1615
6 on voit cette cérémonie encore pratiquée dans le rit ambrosien dans la vidéo suivante, prise lors de la messe de l’ascension au Duomo de Milan en 2019, à partir de 22:34
7 cf. Cabrol, Fernand, Dictionnaire d’Archéologie Chrétienne et de Liturgie, Paris, Letouzey et Ané, 1907, t. I, vol. 2, col. 2940
8 PL 170 col 1233
9 PL 176 col 474
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