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Un théologien d’envergure mondiale (4/6)

Kardinal Charles Journet beim Empfang in Freiburg, aufgenommen am 28. Februar 1965. (KEYSTONE/Str)
Prêtre de paroisse dans la Genève protestante du début du XXe siècle, polémiste catholique, professeur au séminaire, philosophe et théologien, cardinal et figure de l’Église suisse, qui est Charles Journet (1891-1975) ? Une figure de sainteté dont la vie et l’enseignement sont à redécouvrir.

 

1926 : Fondation de la Revue Nova et Vetera

Il lance cette revue avec un de ses condisciples, l’abbé François Charrière (qui deviendra plus tard son évêque – avant Mgr Mamie, puis Mgr Genoud). Il lui dédiera d’ailleurs son beau livre Introduction à la théologie, en signe d’une « affection fraternelle » devenue « filiale ». Journet entendait faire place, dans sa revue, à tout ce qui pourrait contribuer à rechristianiser un peuple. En conséquence, rien ne lui semblait étranger. Le titre choisi pour sa publication est éloquent : nova et vetera (« les choses nouvelles et les choses anciennes »). « Ce titre provenait de l’éloge adressé par le Christ au savant capable de retenir ces deux aspects de la réalité. » Il comparait la ligne éditoriale de la revue « au père de famille qui, (selon l’Évangile) aux jours solennels, tire de son coffre, pour la joie de siens, des parures attendues, mais toujours ravissantes, anciennes mais toujours nouvelles, nova et vetera (Mt 13, 52)[1]P.-M. Émonet, Le cardinal Charles Journet, p. 37.. » Pour lui, il ne saurait y avoir d’opposition entre le passé et le présent.

Nous ne serons ni rétrogrades, ni aventuriers. Ce sont là des manières d’opposer le passé et l’avenir, les choses nouvelles et les choses anciennes, qui ne nous plaisent guère, et qui semblent mettre en demeure de choisir les unes ou les autres. Ce dilemme, nous le rejetons. Il s’agit pour nous, à chaque moment du temps, de découvrir les fils ténus et innombrables qui doivent unir, dans un monde bien fait, le passé, le présent et l’avenir[2]G. Boissard, Charles Journet et Nova et Vetera, p. 18..

 

1965 : Le « cardinal » Journet

Il faut savoir que « Monsieur Journet », comme on l’appelait, avait été nommé en 1947 prélat de la maison pontificale – sans doute sur l’intervention de Jacques Maritain qui était alors ambassadeur de France près le Saint-Siège –, chose dont sa profonde humilité s’était effarouchée. Que ne fut pas alors pour lui son élévation par Paul VI au cardinalat ! Il le vécut comme un drame, affirmant que le pape se trompait, qu’il lui était impossible d’accepter, etc. Pressé par ses amis, et par le Pape lui-même, il finit par dire oui… la mort dans l’âme : « J’ai dit oui dans l’agonie du cœur[3]Ibid., p 58.. »

Paul VI lui accorda de continuer à vivre comme avant, en portant sa noire soutane et sans que rien dans sa vie ne fut changé. On continua à l’appeler « Monsieur Journet », et ses amis, plus simplement, « l’abbé ». Le pape demanda seulement qu’il acceptât de porter la tenue cardinalice dans les occasions où la liturgie l’exige.

Ainsi, créé cardinal le 22 février 1965, Journet allait prendre part à la quatrième session du concile Vatican II (de septembre à décembre 1965) : il y intervint publiquement à plusieurs reprises, en particulier pour défendre une juste conception de la liberté religieuse, mais aussi sur l’indissolubilité du mariage.

 

1970 : À la retraite mais toujours des retraites

S’il cesse à cette date son enseignement au séminaire, il conserve toutefois un ministère de prédication de retraites. Dans sa vie, c’est un ministère auquel il a toujours attaché un grand prix : il s’agissait d’initier les âmes de bonne volonté aux splendeurs de la vie intérieure. On se rappelle sa participation dès les années 1920 à la retraite annuelle des Cercles thomistes, prêchée à Meudon (à côté de chez les Maritain) par Garrigou. Il le fera venir pour exercer un ministère semblable en Suisse, aux Allinges, près de Thonon. Et lui-même se lancera alors dans ce beau ministère : une prédication d’abord destinée aux cercles de laïcs sur lesquelles il exerce en Suisse une influence, mais qui s’étendra après la guerre au Carmel du Reposoir (ancienne chartreuse, située en Haute-Savoie), puis à de nombreuses communautés françaises de contemplatives (que ce soit chez les bénédictines d’Argentan ou de Jouques, ainsi que dans plusieurs Carmels : Alençon, Avignon, Chambéry).

Ses dernières retraites sont centrées sur ses thèmes favoris : la présence d’inhabitation trinitaire, les dons du Saint-Esprit, ou encore « les trois sagesses ». Ces retraites étaient très appréciées : plusieurs ont été enregistrées ou retranscrites sous formes de polycopiés (actuellement vendus par les moines de Triors). Ces textes ont servi de base à la publication des fameux Entretiens sur les divers mystères de la foi édités depuis les années 2000 aux éditions Parole et Silence.

Quelques témoignages[4]Ibid., p. 33. de ces religieuses qui eurent le privilège de l’entendre, vivement touchées par la parole du cardinal, nous rappellent de quelle grâce de prédicateur Dieu l’avait doté. « Sa doctrine passait par le cœur », dit l’une, tandis qu’une autre le dépeint comme « un prince de l’intelligence » qui demeurait toujours accessible du fait de son « incroyable humilité ».

Références

Références
1 P.-M. Émonet, Le cardinal Charles Journet, p. 37.
2 G. Boissard, Charles Journet et Nova et Vetera, p. 18.
3 Ibid., p 58.
4 Ibid., p. 33.
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