Après une première présentation des grandes versions de la Bible en français, on propose ici de faire connaissance avec un certain nombre d’autres traductions récentes, d’envergure très différente.
Une version pour l’étude : la Bible Pirot et Clamer
Parue à Paris, chez Letouzey et Ané, entre 1935 et 1961, la Bible de Pirot et Clamer compte16 volumes, plus de 8000 pages au total. C’est une Bible solide, classique, et très riche en introductions et commentaires, avec en regard le texte de la Vulgate et la traduction française. Elle est l’œuvre de Louis Pirot, professeur à la Faculté de théologie de Lille, puis d’Albert Clamer (qui lui succéda), professeur au Grand Séminaire de Nancy. Elle est cependant datée aujourd’hui sous certains aspects (et difficile à se procurer).
La Bible de Maredsous (1950)
En 1943, le pape Pie XII encourage les chrétiens « à la connaissance et à la méditation des Écritures » et donne un aval définitif à la traduction à partir des langues originelles. Une équipe de moines de l’abbaye de Maredsous en Belgique met alors en chantier une nouvelle traduction pour rendre le texte plus accessible à l’ensemble des catholiques francophones. Le Nouveau Testament est publié en 1948, la Bible entière en 1950. L’équipe des traducteurs, dirigée par dom Passelecq, utilise une langue fluide et claire, et veille à ce que les textes puissent être lus à haute voix et restent toujours intelligibles pour les auditeurs. L’ensemble du texte est révisé en 1968, avec notamment l’utilisation du tutoiement pour les adresses à Dieu, puis en 1997, avec de nouveaux commentaires et notes. La dernière édition date de 2014.
Il à noter que Maredsous est devenu un centre informatique qui a mis la Bible à la portée des internautes en réalisant la numérisation des textes bibliques et en éditant de très bons logiciels d’études bibliques. La Bible est disponible sur Internet avec ses notes (techniques et pastorales) et avec un puissant moteur de recherche : http://www.knowhowsphere.net (on y trouve aussi le très précieux Dictionnaire encyclopédique de la Bible, publié aux éditions Brepols pour la première fois en 1960, révisé en 1987 puis en 2002, 1400 pages, 170 €).
La Bible de la Pléiade
Cette traduction a paru de 1956 à 1971 sous la direction d’Edouard Dhorme (ancien religieux dominicain et bibliste [le RP. Paul Dhorme] ayant quitté les ordres dans les années 1930) pour l’Ancien Testament, et de Jean Grosjean (également prêtre ayant quitté le sacerdoce en 1950) pour le Nouveau Testament. Elle a ses admirateurs, surtout pour l’Ancien Testament dont la qualité littéraire est indéniable. Les notes sont strictement littéraires et n’abordent pas les questions théologiques. La traduction se veut non confessionnelle : « le christ » est écrit sans majuscule. Autre inconvénient : la numérotation des chapitres en chiffres romains s’avère très pénible à l’usage. Elle se présente en trois volumes (deux pour l’Ancien Testament et un pour le Nouveau) et est relativement coûteuse.
La Bible de Chouraqui
La première édition date de 1977, l’édition intégrale fut publiée de 1982 à 1985. La Bible de Chouraqui n’est pas une Bible catholique, mais interconfessionnelle. C’est un travail curieux, surtout pour l’Ancien Testament. André Chouraqui, magistrat français devenu israélien, a voulu faire un travail très littéral, se rapprochant le plus possible du texte hébreu, parfois jusque dans l’ordre des mots. Il a inventé des dizaines de nouveaux mots, avec un véritable lexique à la fin du livre. On lit ainsi en Gn 1,11 : « Elohim dit : la terre gazonnera du gazon, herbe semant semence, arbre-fruit faisant fruit pour son espèce, dont la semence est en lui sur la terre. Et c’est ainsi ». La traduction du Nouveau Testament est encore plus discutable au plan de la méthode (on parle de « rétroversion »), puisqu’elle a consisté à passer du grec à l’hébreu avant de traduire en français. Certains considèrent pourtant que les paroles du Christ n’ont pas (et n’ont jamais) été dites ou rapportées en hébreu, mais en araméen. Le résultat reste assez déconcertant. En Mt 5,7, « Bienheureux les miséricordieux car ils obtiendront miséricorde » devient « En marche les matriciels ! Oui ils seront matriciés ». En Lc 11,7 pour « Bienheureux le ventre qui vous a porté » on trouve « Courage le ventre… ». Lire cette Bible pourrait donner une idée de ce que peut être le texte hébreu (de l’Ancien Testament du moins) pour ceux qui ne pratiquent pas cette langue. Toutefois des hébraïsants sérieux ont contesté les compétences d’André Chouraqui. De plus on a l’impression d’un baragouinage (comme si les rédacteurs s’étaient exprimés dans un niveau de langue très pauvre), ce qui trahit le texte original, d’une qualité littéraire parfois admirable. Ainsi, en traduisant « you are coming » par « vous êtes venant », on traduit l’anglais littéralement mais pas correctement !
La Bible chrétienne
Cette édition de la Bible fut commencée au début des années 80, mais demeure incomplète en raison du décès de ses deux auteurs, bénédictins : Mère Elisabeth de Solms pour la traduction et Dom Claude Jean-Nesmy pour les commentaires. Chaque tome comprend deux volumes. Dans le premier, le passage biblique étudié figure en page de gauche, alors qu’en page de droite sont alignés les parallèles tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament : c’est la Bible commentée par la Bible. Dans le second volume, le même passage est commenté par Dom Jean-Nesmy, citant les Pères de l’Église ou des exégètes, dans un esprit traditionnel. Cinq parties sont disponibles : le Pentateuque (tome 1), les quatre évangiles (tome 3) , les Actes des Apôtres et certaines épîtres (tome 3), les Psaumes (tome 5). Le tome 4 consacré au reste des épîtres de saint Paul a paru en complément en 2009 (avec les commentaires du père Christophe de Dreuille).
La Bible d’Alexandrie
Il s’agit d’une traduction littérale et scientifique du texte grec de la Septante, sous la direction de Marguerite Harl, professeur à la Sorbonne. Entamée depuis 1986, elle est encore inachevée à ce jour.
La Bible des Peuples
Cette traduction de Bernard et Louis Hureau, deux prêtres biblistes, est parue en 1998 chez Fayard. C’est une version assez littérale, mais qui cherche à rendre le texte plus accessible et actuel, dans un but pastoral. Il s’agit en fait d’une une réédition légèrement amendée de la « Bible des Communautés chrétiennes », retirée du commerce en 1995 à la demande de la communauté juive, qui trouvait certaines notes explicatives blessantes.
La Bible Bayard
Le travail de traduction de cette version a été confié à des écrivains aidés d’exégètes. C’est donc une Bible revisitée par des poètes, des romanciers, des philosophes d’aujourd’hui. « La Bible Bayard est une œuvre littéraire, elle n’est pas une Bible chrétienne, encore moins catholique »[1]Mgr Guillaume, revue Kephas de janv-mars 2002.. Les traducteurs ont fait la chasse au vocabulaire conventionnel : l’arche de Noé est devenue une boîte ; le mot ”âme” a presque complètement disparu ; la foi fait souvent place à la confiance ; le péché, à l’égarement ou à la faute ; on immerge ou on plonge autant qu’on baptise… Chacun des vingt écrivains qui ont collaboré à l’entreprise a gardé toute liberté dans ses choix d’écriture et de procédés poétiques. D’où une grande variété de styles à l’intérieur de cette traduction. Aussi la première béatitude est-elle traduite d’un côté : ”Joie de ceux qui sont à bout de souffle” (Mt 5, 3) et de l’autre : ”Vous êtes chanceux, les pauvres !” (Lc 6, 20). La première demande du Notre Père est formulée d’un côté : ”Tu es saint : fais-toi connaître” (Mt 6, 9) et, de l’autre : ”Soit ton nom reconnu saint” (Lc 11, 2). En Mt 9,13 : ”C’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices” est devenu : ”Je préfère la compassion aux rites”… Lorsque Jésus est mené au désert on lit qu’il « suivit le Souffle dans le désert pour y être tenté par le Rival » (Mt 4, 11). Plus surprenant encore en Mc 8, 13 lorsqu’il répond aux pharisiens qui lui demandent un signe : « il leur dit : “Quelle engeance ! Exiger un signe ! Plutôt crever ! Et, les plantant là, il s’embarqua de nouveau. »
La Bible en ses traditions : bibletraditions.org (et scroll.bibletraditions.org)
Il s’agit d’un ambitieux projet de l’Ecole biblique de Jérusalem, initié en 2003. Il s’agit d’un nouveau concept, conséquence de l’apparition de la révolution technique liée à Internet. L’idée est d’offrir (principalement en ligne) un outil de travail qui montre que la Bible s’est toujours élaborée au sein d’une tradition (hébraïque, grecque, latine, syriaque…) qui l’a portée et enracinée. Souvent dans la diversité des interprétations : il n’y a pas un seul texte, rarement un seul sens possible. « La Bible en ses Traditions présentera les différences significatives entre différentes versions du texte biblique dans le texte lui-même, plutôt que dans les notes de bas de page. En outre, le texte sera accompagné de notes étendues réparties en différents sujets, tels que le vocabulaire, le milieu social et culturel, la tradition juive et chrétienne, notamment » (au moyen de plus de 20 rubriques différentes : littérature, arts visuels, musique…).