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Parce que Dieu est amour, il permet l’Enfer

La chute des damnés - Dieric Bouts

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À la porte de l’Enfer, il y a écrit : « Vous qui entrez ici, perdez toute espérance. Par moi [la porte de l’Enfer] on va dans la cité des pleurs, par moi l’on va dans l’éternelle douleur, par moi l’on va chez la race damnée. La justice anima mon sublime architecte ; je fus fait par la divine puissance, la suprême sagesse et le premier Amour »[1]Dante, La divine comédie, L’Enfer, chant III.

Parce que Dieu est amour, il permet l’Enfer

À la suite du poète, il faut regarder le mystère de l’Enfer sous une lumière paradoxale.

C’est justement parce que Dieu est amour qu’il permet l’Enfer, et cependant l’Enfer n’est pas fait par Dieu : Dieu a fait le paradis, quant à l’enfer, c’est l’homme qui s’y précipite en refusant son invitation. En s’excluant d’un bien éternel, le damné fait lui-même la réalité de l’Enfer. Remontons plus haut[2]Précision de l’auteur : lorsqu’on dit ici (et dans la citation de Fulton Sheen un peu plus bas) que l’homme se condamne à l’Enfer, il ne faut pas en conclure que Dieu ne condamne pas du … Continue reading

Dieu amour nous a placés au sommet de l’univers visible et nous a créés à son image, nous invitant à lui ressembler jusqu’à partager sa vie : notre liberté et notre responsabilité sont constitutives de cette part spirituelle de notre être – l’âme – qui est susceptible de « divinisation. »

 Je t’aime, dit Dieu à sa créature, si tu savais comme je languis après ta réponse d’amour. Mais parce que mon amour est véritable, tu n’es pas programmé pour toujours consentir à ma volonté. Je t’ai créé à mon image. Ce faisant, je t’ai doté d’une liberté qui te rend capable de me choisir pour l’éternité. Ou de me refuser à jamais[3]Joël Guibert, Contempler l’au-delà pour vivre pleinement ici-bas, Téqui, 2017..

Quelle est l’unique chose que l’amour ne puisse pardonner ? C’est le refus de l’amour, car la haine est la destruction et l’annihilation de l’amour. L’Enfer est donc éternel, car il est la négation de l’amour ». « On me demandera : comment Dieu peut-il être assez vindicatif pour condamner les âmes à l’Enfer ? Il suffit de se rappeler que Dieu ne nous condamne pas à l’Enfer : en réalité, c’est nous-mêmes qui nous y condamnons. L’oiseau, quand la cage s’ouvre, vole vers ce qu’il aime ; quand notre corps meurt, nous volons soit vers une éternité d’amour de Dieu, soit vers une éternité de haine de Dieu[4]Mgr Fulton Sheen..

L’Enfer : lieu de l’amour infini méprisé

– Dieu amour n’a pas voulu nous abandonner au triste sort librement choisi par le péché originel : il nous offre en Jésus une preuve supplémentaire de la folie son amour infini et une chance nouvelle de retrouver sa vie : à la démesure de l’amour de Dieu correspond la démesure de la malice de l’homme qui le refuse.

Eh quoi ! Un Dieu sera venu ici-bas pour vous, il aura pris votre nature, parlé votre langue, guéri vos blessures, ressuscité vos morts, il sera mort pour vous sur une Croix et après cela vous pensez qu’il vous sera permis de blasphémer et de rire et d’aller sans crainte aux noces de toutes vos voluptés. Oh non ! Détrompez-vous ! La mort n’est pas un jeu. On n’est pas impunément aimé par un Dieu, on n’est pas impunément aimé jusqu’au gibet. Ce n’est pas la justice qui est sans miséricorde, c’est l’amour. L’amour, nous l’avons trop éprouvé, c’est la vie ou la mort et s’il s’agit de l’amour de Dieu c’est l’éternelle vie ou l’éternelle mort[5]Lacordaire, Conférences de Notre-Dame de Paris, 1851, 72e conférence..

C’est l’amour jaloux qui a fait le Purgatoire ; c’est l’amour méprisé qui a fait l’Enfer[6]Dom Delatte.

– L’Enfer est ainsi cette vérité de foi qui correspond à la vérité de Dieu et de l’homme, et de l’homme-Dieu qui donne sa vie pour nous. La gravité de notre destinée est celle d’un être spirituel ordonné à une vie sans fin, dont les options sont à la mesure de sa vocation à l’intimité divine. Si nous étions des végétaux ou des animaux, nos actions seraient bien insignifiantes, mais doués d’intelligence et de volonté libre, créés à l’image de Dieu et appelés à lui ressembler, nos actes ont un véritable poids d’éternité. L’existence de l’Enfer, affirmée envers et contre tout par l’Église, vient nous rappeler cette vérité et notre responsabilité.

L’Église ne met personne en Enfer

Rappelons que l’« anticanonisation » n’existe pas : l’Église n’a jamais déclaré que telle personne humaine déterminée (pas même Judas) était damnée. Il faut cependant tenir qu’il y a une personne au moins en Enfer : Satan.

Il allait cependant de soi pour le magistère et les théologiens jusqu’au milieu du XXe siècle que tout le monde n’était pas sauvé. La doctrine du « petit nombre des élus » est longtemps restée commune (saint Thomas d’Aquin affirmait ainsi : « puisque la béatitude éternelle, qui consiste dans la vision de Dieu, excède le niveau commun de la nature, surtout parce que cette nature a été privée de la grâce par la corruption du péché originel, il y a peu d’hommes sauvés. Et en cela même apparaît souverainement la miséricorde de Dieu, qui élève certains êtres à un salut que manque le plus grand nombre, selon le cours et la pente commune de la nature. » cf. Somme Théologique, Ia Pars, q. 23, a. 7, ad 3m). On ne doit pas en tout état de cause rejeter a priori l’hypothèse d’un grand nombre d’âmes qui refusent Dieu, qui ne constituerait pas pour autant un échec de la Rédemption, car la réussite surnaturelle d’une seule âme surpasse infiniment l’échec de tant d’autres, l’ordre surnaturel dépassant à l’infini l’ordre naturel.

« L’Enfer a sauvé beaucoup d’âmes »

On peut en ce sens dire que « l’Enfer a sauvé beaucoup d’âmes » note le RP. Garrigou-Lagrange[7]Réginald Garrigou-Lagrange, L’éternelle vie et la profondeur de l’âme, qui cite saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIaIIae, q. 19, a. 7 : « la crainte servile est comme un principe … Continue reading. La crainte servile dont l’Écriture fait le « commencement de la sagesse » relève en effet encore de la « contrition imparfaite » ou « attrition » (le regret des fautes par crainte du châtiment), que le sacrement de pénitence transforme en « contrition parfaite » (le regret des fautes par amour filial pour Dieu). Elle est cependant ainsi un prélude à la crainte filiale qui fait partie des sept dons du Saint-Esprit.

Références

Références
1 Dante, La divine comédie, L’Enfer, chant III
2 Précision de l’auteur : lorsqu’on dit ici (et dans la citation de Fulton Sheen un peu plus bas) que l’homme se condamne à l’Enfer, il ne faut pas en conclure que Dieu ne condamne pas du tout. L’un des attributs de Dieu est la justice, et il est bon que le juge condamne le pécheur : ainsi, Dieu punit le damné et cela est très bon, c’est la manifestation d’un attribut divin. De même, l’Enfer existe, et comme réalité existante il est bien « fait » par Dieu. Ces données sont malheureusement assez oubliées voir niées dans la théologie contemporaine, qui se refuse à considérer le fait de punir comme un acte bon. Mais le point sur lequel nous insistons ici, c’est que c’est bien l’homme qui est à la première initiative du refus définitif de Dieu par son péché mortel et donc, en ce sens, c’est lui qui « fait » l’Enfer et « se condamne » lui-même. Il faut tout tenir.
3 Joël Guibert, Contempler l’au-delà pour vivre pleinement ici-bas, Téqui, 2017.
4 Mgr Fulton Sheen.
5 Lacordaire, Conférences de Notre-Dame de Paris, 1851, 72e conférence.
6 Dom Delatte
7 Réginald Garrigou-Lagrange, L’éternelle vie et la profondeur de l’âme, qui cite saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIaIIae, q. 19, a. 7 : « la crainte servile est comme un principe extérieur disposant à la sagesse, en tant qu’une certaine crainte de la peine écarte du péché ».
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