L’épître de ce sixième dimanche, tirée de la lettre aux Romains, résume en quelques mots l’essentiel de la spiritualité de saint Paul… Avec le Christ mourir par le baptême, pour ressusciter avec lui à une vie nouvelle.
Durant l’hiver de l’année 57-58, à Corinthe ou à Cenchrées, en Grèce, saint Paul, terminait son troisième voyage missionnaire et se préparait à retourner vers Jérusalem. Prenant la plume à nouveau, il écrit une longue lettre à la jeune communauté chrétienne de Rome. Il leur annonce sa prochaine visite et leur fait part de ses projets d’évangélisation à l’Ouest de la Méditerranée, puis s’emploie à apaiser des tensions survenues entre Judéo et Pagano-chrétiens de la cité impériale, en développant une profonde réflexion théologique.
Nous qui entendons si souvent les lettres de l’apôtre à l’épître de la messe, connaissons-nous bien la pensée de saint Paul ? Quelle est son intuition, son but ? Tout est résumé dans les quelques lignes de ce magnifique passage aux Romains.
Mes Frères : nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une vie nouvelle. Si, en effet, nous avons été greffés sur lui, par la ressemblance de sa mort, nous le serons aussi par celle de sa résurrection : sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché fût détruit, pour que nous ne soyons plus les esclaves du péché ; car celui qui est mort est affranchi du péché. Mais si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons avec lui, sachant que le Christ ressuscité des morts ne meurt plus ; la mort n’a plus sur lui d’empire. Car sa mort fut une mort au péché une fois pour toutes, et sa vie est une vie pour Dieu. Ainsi vous-mêmes regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Depuis sa conversion foudroyante, l’ancien persécuteur Saül est fasciné par le Christ, il n’a que le nom de Jésus à la bouche, il ne peut détacher de lui son regard. La méditation poursuivie au désert lui fait entrevoir le plan d’amour de Dieu sur nous : c’est en nous rendant conformes à son Fils éternel que le Père veut nous faire redevenir ses enfants. Dieu a choisi de nous agréer dans son Fils unique, dans la mesure où nous lui ressemblons. Et ainsi c’est dans le Christ que nous sommes baptisés, que nous sommes ensevelis, pour finalement ressusciter avec lui. Etant greffés sur lui, il faut que nous lui ressemblions dans la mort, afin de bénéficier de sa résurrection. Saint Paul n’aspire qu’à se modeler sur le Christ, bien conscient qu’il lui faut passer par son mystère pascal, par son chemin de passion et de mort, pour entrer avec lui dans la vie.
Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi, et ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et s’est livré pour moi[1]Gal 2, 20.
Saül l’ancien pharisien, versé dans les Ecritures juives, comprend que leur clé – celle qu’il cherchait désespérément, a une forme de croix.
Notre vieil homme, écrit-il aux Romains, a été crucifié avec lui, pour que nous ne soyons plus esclaves du péché, auquel nous sommes morts avec lui. Mais l’Apôtre, qui se glorifie de ses infirmités, s’honore d’être crucifié avec le Christ, n’est pas doloriste. Son évangile est celui de la vie éternelle, déjà commencée ici-bas, puisque Jésus est ressuscité et nous avec lui. Par le baptême nous sommes morts avec le Christ, par le baptême nous renaissons avec lui à une existence nouvelle, une vie pour Dieu. Ainsi dès maintenant « notre cité se trouve dans les cieux »[2]Ph 3, 20, nous sommes les « temples du Saint-Esprit »[3]1Co 6, 19, les « concitoyens des saints »[4]Ep 2, 19.
Telle est la fulgurante intuition de saint Paul, celle qu’il brûle de transmettre à tous, juifs comme païen, telle est la vie qu’il vit dès cette terre, une vie déjà éternelle vécue dans le Fils, dans ce Jésus qui le fascine et le sauve.
Et nous ? Il nous invite à être ses imitateurs[5]1Co 11, 1, à vivre également dès ici-bas dans le ciel. Saint Paul est un contemplatif qui s’est fait actif – pour ne pas dire hyperactif : dans sa vie mystique exceptionnelle il trouve l’énergie d’un déploiement missionnaire exceptionnel, qui commence par un combat spirituel exemplaire. Saint Paul, l’Apôtre par excellence, nous touche par son humilité, lui qui se fait appeler l’avorton, lui qui reconnaît publiquement – dans une lettre qui sera lue pour toute la suite de l’histoire – qu’il est humilié quotidiennement par une écharde, un défaut qu’il ne parvient pas à extirper. Reconnaissons-nous dans cette figure si humaine du docteur des nations, dans notre faiblesse d’hommes et notre grandeur de chrétiens, et entrons avec lui dans la fascination du Christ, en qui nous avons baptisés, avec lequel nous mourons à la vie terrestre, pour renaître chaque jour à la vie éternelle.