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« Libres » derrière les grilles ou les murs

Un face à face que le commun ne devrait jamais connaître, proposé à tous et sur grand écran : avec « Libres » le réalisateur est allé à la rencontre de ceux qui ont quitté le monde pour aller vers Dieu, qui ont choisi la voie de la plus grande perfection à travers la vie contemplative, les trois vœux de pauvreté, chasteté et obéissance, la séparation du mouvement des sociétés – les moines.

 

Entre film et documentaire

« Libres » est un « voyage au cœur de l’âme », de la nôtre et de celle que nous ouvrent sans restriction et avec une entière franchise ces hommes et ces femmes qui ont choisi de tout quitter pour suivre le Maître intérieur. L’ambition du film est plus que documentaire : à travers la rencontre bouleversante et vraie de ces moines et moniales, tous sont invités à revenir aux questionnements les plus profonds et intimes.

Entré en contact avec quelques religieux dans le cadre d’une mission publicitaire pour le compte d’une fondation espagnole de soutien aux monastères, le réalisateur Santos Blanco a voulu montrer comment les habitants des cloîtres peuvent devenir, en dépit des apparences, ces « phares pour le monde » que le pape les invite à être.

Son premier long-métrage n’est ni un film à scénario, ni un documentaire : portée par des images sublimes et une musique inspirée, la caméra nous mène de cloître en cloître, à la rencontre des moines et de moniales de différents ordres, jeunes, vieux ou sans âge… La réalisation est parfaite et crée une ambiance particulière, très adaptée au sujet. Côté français, on pourrait dire que l’on est à mi-chemin entre « Des hommes et des dieux » et « Le grand silence ». Sans véritable scénario, « Libres » aborde cependant un à un, suivant une progression simple et logique – de la décision de sortir du monde à l’exercice quotidien des trois veux -, les grands aspects de la vocation et de la vie monastique. Côté immersion, l’ambition n’est pas de faire expérimenter une plongée dans un monastère particulier, à la découverte d’une vocation singulière : d’abbaye en couvent, c’est l’ensemble de la vie religieuse, voie plus parfaite de suite du Christ, qui apparaît peu à peu par touches, comme en une grande fresque cinématographique.

Le maître-mot : « liberté »

Pourquoi « Libres » ? Le paradoxe est voulu : ceux qui ont choisi de se retirer derrière les grilles ou les murs des cloîtres sont les hommes et les femmes les plus libres du monde. C’est le réalisateur, frappé, au cours des échanges et des interviews, d’entendre ce mot revenir avec une nette priorité, qui a décidé d’en faire le titre de son long-métrage.

Les premiers témoignages reviennent au principe de la vocation monastique : « la vie au monastère n’est pas une fuite du monde, il s’agit d’aller vers Dieu. » Le XXIe siècle se caractérise pourtant par son vide spirituel, ce rythme effréné qui empêche de se regarder en face et d’affronter sa détresse, causant la « nausée existentielle » qu’ont connu certains religieux avant de rencontrer le Christ. Face aux spiritualités qui se présentent comme novatrices, à la recherche de diverses énergies, la réponse est simple et authentique : « l’énergie par excellence, c’est Jésus-Christ ».

La première réponse de « Libres » est la beauté du chant grégorien qui accompagne les rencontres et les superbes images de ces « lieux privilégiés » où se vit depuis des siècles la vocation monastique.

Parmi les religieux qui témoignent, certains reviennent de loin : à travers leur parcours on entrevoit la force transformante de la recherche de l’absolu en Dieu. L’un est ancien aficionado de hard-metal, a trempé dans l’ésotérisme et l’occultisme jusqu’à risquer de perdre de son âme, mais reconnaît l’importance primordiale, quelque loin qu’il ait été emporté, de la prière de sa mère. Un autre a été artiste dans une vie antérieure, a longtemps vécu avec une femme qui l’a quitté pour un autre, avant d’entendre lui aussi l’appel du cloître.

La vocation

D’où vient cet appel ? Quelle que soit son histoire, la vocation naît d’une graine, semée en silence dans le cœur, qui grandit sans qu’on sache comment et remonte à la surface un jour ou l’autre, pour transformer la vie. Cette aventure s’arrête-t-elle au seuil du cloître ? Au contraire, les moines et les moniales de tous âges qui ont suivi cet appel poursuivent le chemin à la suite du Christ : « nous sommes là pour nous perfectionner ».

Le film détaille ensuite les différents aspects de la vocation monastique, dans une vue d’ensemble qui englobe les diverses formes de vie représentées : la prière comme rencontre avec Dieu, dialogue d’un ami avec son ami ; son prolongement dans la lectio divina, contact intime et méditatif avec le Seigneur qui se donne dans sa parole ; son cadre de silence, condition indispensable de la vie intérieure.

« Libres » mais pas sans cadre, les moines et les moniales font découvrir de l’intérieur l’organisation millénaire de la vie régulière (on appelle ainsi la forme de vie consacrée qui passe par l’exercice d’une règle). La structure monastique est organisée mais aussi démocratique. La vie de communauté, avec ses exigences, est le lieu de l’épanouissement des religieux par le travail, le contact de la nature et du réel, source de vraie joie. À rebours du monde, les moines et moniales vivent de chasteté, d’obéissance et de pauvreté. Libres, ils sont pauvres pour ne pas avoir besoin de beaucoup, ils aiment à donner pour accéder au bonheur véritable.

« Les plus libres du monde »

Chasteté, obéissance, pauvreté : à la suite du Christ, moines et moniales sont « les plus libres du monde ». Le film de Santos Blanco est un très bel hommage à leur vocation et une invitation à une réflexion en profondeur sur ce qui fait le sens et le fond de notre vie ici-bas : où sont les vraies valeurs, où sont les vraies joies, celles qui valent la peine d’être poursuivies et atteintes, celles qui durent.

Le film est bien mené et agréable à regarder, on y trouvera une vraie matière à méditer et un beau témoignage sur la spiritualité monastique. La production est espagnole et les témoignages ont été recueillis dans divers monastères du pays : avec une bonne culture des habits religieux, on pourra tenter de deviner les différents ordres auxquels appartiennent les moines et moniales interrogés. C’est à dire qu’en l’absence de toute indication, on aurait pu désirer plus de détails, connaître le nom des magnifiques lieux visités, en savoir plus sur l’histoire des abbayes ou des couvents, mais peut-être cette mortification de la curiosité fait-elle partie de l’expérience monastique de liberté à laquelle nous convie le réalisateur…

On recommande donc vivement cette belle production, un magnifique témoignage et hommage rendu à ceux qui ont tout quitté pour suivre le Christ.

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