Krav maga, boxe thaï, savate, évolution en milieu hostile, camouflage… Les stages de survie sont à la mode, comme le survivalisme, qui a ses magazines, ses boutiques, ses salons, ses gourous… Mais est-il seulement à la hauteur de l’enjeu ? Comment se préparer à survivre au XXIe siècle ?
Stage de survie
Tandis que certains préparent le combat à coups de poings, d’autres font rentrer la vie par les pieds. D’un extrême à l’autre, on retrouve le même désir de surnager dans le chaos contemporain. Voici un tout autre type de stage de survie cependant : le Goum.
Alors que bien des initiatives des années 1960 semblent aujourd’hui surannées, les raids initiés par Michel Menu en 1969 ont le vent en poupe, et leur intuition géniale n’a rien perdu de son actualité, au contraire : comment se préparer à survivre au XXIe siècle ? Marcher en goum.
Au désert pour trouver Dieu
Avant les des implanter en Terre Promise, Dieu sait que ses fils ont besoin d’un temps de préparation et de purification au désert, car la vie droite ne sera pas chose aisée en Canaan, au milieu des idolâtres et des profanateurs. Pour vivre dans une société qui a perdu tout sens de Dieu et rejette la transcendance, dans le mirage d’une autonomie totale, le Goum propose de prendre ce temps de retrait au désert, à la suite des anciens pères, afin d’y réapprendre à vivre en présence du Très-haut. Dans la solitude l’homme fait l’expérience de sa petitesse et de sa dépendance, il reprend sa place dans la création, celle d’un roseau, mais d’un roseau qui pense… Et qui prie.
Au désert pour se libérer
La traversée du désert fut pour les Hébreux le temps nécessaire à une libération en profondeur des multiples servitudes contractées en Égypte. Quarante ans ne furent pas de trop pour s’arracher aux pratiques dépravées et idolâtres auxquelles le peuple avant succombé. Le Goum mène l’homme contemporain au désert durant neuf jours, pour initier une libération des esclavages du monde moderne : écrans, argent, addictions, mondanité. À travers le dépouillement et la simplicité de vie, le goumier redécouvre le sens de l’essentiel et la vanité des grigris à la mode, il puise dans la prière la force nécessaire pour entamer une véritable libération, il expérimente dans l’effort le courage qu’il devra déployer pour arriver à un vrai sevrage.
À la recherche du temps perdu
La rudesse expérimentée au désert est l’occasion d’une redécouverte de soi et du monde qui nous entoure, à travers un recentrage sur les vraies joies et les nécessités véritables. Nourriture restreinte, habillement rustique, vie au grand air et parfois au grand vent… Le Goum permet une remise en ordre de nos préoccupations, un retour à la hiérarchie authentique des priorités et des devoirs.
Il est encore une dimension particulièrement blessée de nos existences contemporaines que le Goum aide à guérir : notre rapport au temps. Sans montre, sans autre tâche que le service de Dieu, des autres, et que la marche, nous retrouvons le temps. Nos vies sont gouvernées par la montre et l’agenda, chaque montre minute nous semble valoir une fortune que nous hésitons toujours à céder au premier venu. Et pour neuf jours, la course au temps s’arrête, la montre disparaît, et avec elle l’inquiétude des minutes qui passent et ne reviennent pas. Au contraire en Goum le temps s’allonge : sur la route, au bivouac ou devant le Saint-Sacrement, et il revient, de jour en jour, avec une douce et ferme stabilité. Neuf jours, c’est peu, mais c’est un bon début, pour convertir vraiment notre rapport à la durée et retrouver le sens du temps, qui n’a jamais autant de valeur que lorsqu’il est donné gratuitement.
Au désert pour grandir
Comme les stages survivalistes, le Goum met en avant la bonne santé de l’individu, par une ascèse réelle, quoique mesurée. Ce n’est cependant pas d’abord le corps que le désert vient fortifier, mais l’âme, à travers l’exercice des vertus. En la matière le stage est complet : la maîtrise de soi et le goût de l’effort développent les vertus morales, tandis que le cadre de vie en communauté prépare le terrain pour l’exercice de la charité fraternelle. Comme la grâce ne vient pas remplacer ni détruire mais guérir et surélever la nature, les vertus surnaturelles se greffent sur le terrain de vertus naturelles entraînées et éprouvées. Et ainsi le Goum, par la large place laissée aux sacrements, à la prière et à la formation, vient couronner l’édifice des vertus morales en les orientant vers notre fin ultime surnaturelle, sous l’influx des vertus théologales.
Il est en particulier un domaine où le goum développe des vertus purificatrices particulièrement nécessaires aujourd’hui. Les stages qui prétendent préparer nos contemporains à survivre en milieu hostile ne sont bien souvent que l’extrême degré de cet individualisme qui mène à la mort nos sociétés, puisqu’il s’agit de subsister en s’extrayant du chaos, afin de préserver une vie isolée. Une telle solution ne peut que repousser l’échéance fatale, certainement pas l’empêcher. À l’opposé, le goum est une expérience purifiante de vie collective, de recherche spontanée et libre du bien commun, dans une dimension qui semble parfois au premier abord contraire au bien de l’individu. On apprend ainsi dans le quotidien du désert à servir avant de se servir, car la survie et le bonheur de tous passe avant et permet celui de chacun. On se prépare ainsi à une vraie action au service du bien commun de nos sociétés contemporaines, blessées par l’esprit du chacun-pour-soi. Car en effet on ne part pas au désert pour y rester, mais pour en revenir…
Au désert pour mieux revenir
Le goum est enfin en un certain sens une expérience à la Chesterton : on part au désert, non pas pour abandonner le monde à son triste sort mais pour y mieux revenir, plein d’une force propre à le renouveler, puisée à la source de la grâce, de la prière et de la charité vécue. Comme Dieu fit descendre son peuple en Égypte et remonter pour lui rappeler que le don de la Terre était un pur effet de sa bonté, comme le héros de Chesterton[1]Chesterton, Gilbert-Keith, Supervivant, 1915 quitte sa maison et fait le tour du monde pour mieux retourner et retrouver son foyer, le goumier prend le désert durant neuf jours, afin de revenir régénéré dans un monde triste et las, plein d’une vitalité nouvelle, corporelle mais surtout spirituelle, prêt à survivre dans une société à bout de souffle, à y être le ferment et l’instrument de la grâce divine.
Références[+]
↑1 | Chesterton, Gilbert-Keith, Supervivant, 1915 |
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