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La « Pâque de Notre-Dame »

L'Assomption de Pierre Paul Rubens
L’Assomption : dogme « récent » de l’Église Catholique, puisque proclamé en 1950, mais fête antique et article de foi répandu depuis des siècles chez les chrétiens.
Qu’est-ce que l’Assomption ?

 

Histoire d’une fête

Cette fête a pris naissance en Orient, où elle était déjà célébrée solennellement au VIe siècle. Son origine se trouve sans doute en l’église du « Tombeau de la Vierge », étape des pèlerinages à Jérusalem. On retrouve cette fête, accompagnée d’une grande procession solennelle, à Rome au VIIe siècle. En Gaule l’Assomption était peut-être déjà fêtée au VIe siècle, mais à la mi-janvier.

Les noms de la fête ont varié : « Sommeil », « Déposition », « Résurrection », « Ascension », « Exaltation » de la Mère de Dieu, « Dormition » ou « Pausation », « Naissance »… Ces appellations diverses qui font ressortir tel ou tel aspect particulier du mystère de Marie montrent la complexité de l’Assomption.

Pour bien le comprendre, il faut mettre ce mystère en rapport avec le mystère pascal du Christ : tout n’est pas terminé lorsque Jésus est monté au Ciel et s’est assis à la droite de Dieu. Le cycle de notre rédemption n’est définitivement révolu que le jour où nous voyons la nouvelle Eve rejoindre au ciel le nouvel Adam et partager avec lui les honneurs d’une victoire à laquelle elle a considérablement participé.

Le terme « Assomption » marque cependant la différence essentielle du Christ et de sa Mère : Adsumere, dont la forme passive assumpta a donné le mot, veut dire « prendre », « tirer à soi ». Ascendere, qui a donné « Ascension » signifie en revanche « monter ».

Le Magistère : un exemple d’infaillibilité

Le 1er novembre 1950, proclamant solennellement le dogme de l’Assomption, Pie XII parla ainsi :

 Après avoir adressé à Dieu d’incessantes prières, et invoqué les lumières de l’Esprit de vérité, pour la gloire du Dieu tout puissant, qui prodigua sa particulière bienveillance à la Vierge Marie, pour l’honneur de son Fils, roi immortel des siècles, et vainqueur du péché et de la mort, pour accroître la gloire de son auguste Mère et pour la joie et l’exultation de l’Église tout entière, par l’autorité de Notre Seigneur Jésus Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul et par la Nôtre, Nous proclamons et définissons que c’est un dogme divinement révélé que Marie, l’Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste. 

Cette déclaration fournit un exemple parfait de réalisation des quatre conditions d’exercice du charisme d’infaillibilité pontificale, garantissant la certitude absolue de l’enseignement magistériel : le pape 1) parle en tant que pasteur et docteur, 2) s’adresse à toute l’Église, 3) au sujet d’un point de foi, 4) qu’il définit comme étant à croire.

Marie est-elle morte ?

« À la fin du cours de sa vie terrestre »…  – il n’est pas dit « à sa mort » – Marie « a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste ». Le pape n’a donc pas voulu engager son infaillibilité sur la question de savoir si Marie est morte.

On peut donc demeurer catholique et estimer qu’elle ne l’aurait pas été. Cependant, si l’on étudie la question sous l’angle historique et liturgique, il apparaît clairement que l’objet de la fête liturgique de l’Assomption n’a jamais été seulement l’élévation de Marie à la gloire du ciel avec son corps et son âme. Les chrétiens, par cette fête, célébraient à la fois trois mystères :

– la « Dormition” : la mort de Marie,

– sa résurrection, la réunion de son corps et son âme, qui redonne vie à son corps devenu par là-même désormais corps glorieux,

– son « assomption » à proprement parler, à savoir son élévation la gloire du ciel avec son corps et son âme.

Très rares sont les auteurs qui remettent en cause le fait que Marie soit morte, et ceux qui l’ont fait étaient plutôt en réaction contre des écrits apocryphes qui racontaient la mort de Marie mêlée à de nombreux détails légendaires.

Pourquoi Marie serait-elle morte ?

– Si le Christ lui-même, qui n’avait évidemment pas le péché originel, a voulu subir la mort, pourquoi Marie en aurait-elle été exempte ? Devant ressembler le plus possible en tout à son divin fils, il ne convenait pas qu’elle reçut le don de l’immortalité comme Adam et Ève. Mais évidemment la mort de Marie, comme celle de Jésus-Christ, n’a été aucunement la conséquence du péché.

– Après le Christ et avec lui, Marie est passée par la mort pour emporter sur elle une victoire : quel réconfort pour nous de savoir que la mère de Dieu a connu avant nous la mort. En la transformant en victoire, elle encourage notre espérance dans l’au-delà.

 

Que disent la Sainte Écriture et la Tradition ?

La Sainte Écriture ne fournit aucune preuve décisive et explicite de l’Assomption. Les Pères de l’Église et les théologiens du Moyen Âge ont fourni quelques arguments scripturaires, mais ils étaient conscients du fait que ces passages de la Bible ne constituaient pas d’arguments véritablement probants.

Un exemple : « La reine se tient à droite dans un vêtement d’or, entourée de beauté[1]Ps 44 » ; cette parure symbolise, pour les auteurs, la gloire éclatante de la Sainte Vierge, dont elle est revêtue corps et âme. Toutefois nous sommes ici au sens spirituel, car le passage littéral désigne l’épouse d’un roi d’Israël.

Le texte patristique le plus anciens qui mentionne clairement l’Ascension est de saint Grégoire de Tours (VIe siècle). En Orient, saint Modeste, évêque de Jérusalem, prononce au VIIe siècle une homélie où il mentionne la présence miraculeuse des Apôtres autour de Marie au moment de sa mort. Entre le VIIe et le IXe siècle les prédicateurs montrent qu’ils ne considèrent pas l’Assomption comme une pieuse croyance locale mais comme une partie intégrante de la tradition de toute l’Église, remontant aux temps les plus anciens.

Quant à la liturgie, une antique oraison romaine (encore présente dans le missel dominicain) : « Veneranda nobis », datant de la même époque, prie ainsi :

 Elle est pour nous, seigneur, digne de vénération, la fête de ce jour où la sainte mère de Dieu a subi la mort temporelle, sans toutefois que la mort pût retenir dans ses liens celle en qui s’incarna votre Fils unique Notre Seigneur.

Cette collecte prouve que l’Église romaine, au sixième siècle, croyait que Marie était morte, que son corps n’avait pas subi la corruption, et que sa résurrection était une conséquence de sa maternité divine. En revanche après la proclamation du dogme de 1950, l’oraison de la fête liturgique du 15 août fut changée pour le missel romain. La nouvelle ne fait pas mention de la mort de Marie.

 

Théologie de l’Assomption

L’Assomption de Notre-Dame se présente comme une suite logique, du dogme de l’Immaculée Conception, défini un siècle plus tôt. En effet, comment la Vierge Immaculée qui avait eu dès sa conception le privilège d’échapper au péché originel pouvait-elle connaître la corruption du tombeau ? Comment surtout le Christ aurait-il pu accepter que le corps très saint de sa mère, qui lui avait donné son propre corps, devienne la proie des vers ? Le corps de Marie ne pouvait donc connaître la corruption, car en donnant au monde Jésus, son Sauveur, Marie a contribué intimement à la rédemption des hommes. Associée aux souffrances de son divin Fils, Marie devait l’être à sa gloire. Voilà pourquoi Notre-Seigneur l’a appelée corps et âme près de Lui.

Ajoutons deux raisons théologiques profondes :

– Marie est « pleine de grâce », « bénie entre les femmes » : or cette bénédiction exceptionnelle exclut la peine divine du péché : « tu enfanteras dans la douleur » et « tu retourneras en poussière ». Marie doit donc être préservée de la corruption cadavérique – son corps doit ressusciter de manière anticipée.

– La parfaite victoire du Christ sur le démon comprend celle sur le péché et la mort : or Marie a été intimement associée au Calvaire à cette victoire parfaite sur le démon, et donc sur la mort, elle est associée à ses fruits par la résurrection anticipée de l’Assomption. En effet, la mort étant la conséquence du péché, celui qui est vainqueur du péché est vainqueur de la mort. Associée plus que personne à cette victoire parfaite, qui n’est telle que par l’exemption de la corruption du tombeau, Marie l’est jusqu’à être exaltée au Ciel de manière anticipée. Marie n’est donc pas retenue par les liens de la mort, ce qui ne peut être dit d’aucun saints, même ceux dont les corps demeurent miraculeusement incorrompus dans le tombeau.

 

L’Assomption : où, quand ?

– Il est impossible de préciser le lieu et la date de la mort de la Sainte Vierge et de son assomption au Ciel.

– Cependant certains situent à Éphèse la mort de Marie, d’après un texte – assez obscur et ambigu – du concile d’Éphèse. Pour d’autres, ce serait à Jérusalem : opinion actuellement la plus commune, appuyée sur des témoignes du VIe au VIIIe siècle. À Jérusalem on vénère d’ailleurs le lieu de la dormition de Notre-Dame.

– Certains évoquent la date de l’année 48, ce qui donnerait un âge de 69 ans pour Marie au moment de monter au Ciel. Pour d’autres Pères elle aurait eu entre 72 et 75 ans.

Références

Références
1 Ps 44
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