Au début de cette semaine où nous contemplons le corps meurtri du Sauveur, parlons de notre corps, sous l’angle de la vertu de pureté, qui s’inscrit dans le cadre général de la chasteté. Nous demandons souvent à Dieu durant le carême de garder purs, loin de toute débauche, notre corps et notre âme. Voilà l’un des grands moyens de sanctification.
Corps et âme à l’image de Dieu
C’est par son âme spirituelle (intelligence, volonté et mémoire) que l’homme est premièrement à l’image de Dieu, à la ressemblance inouïe de la Sainte Trinité. Le corps humain est magnifique, immensément supérieur à la chair des animaux, parce qu’il est substantiellement uni à l’âme spirituelle. Quand je regarde un homme, un bébé, un vieillard, je m’émerveille devant le mystère spirituel qu’il est ; ce corps animé que je regarde, que je sens, que je touche, que j’écoute, m’amène à percevoir de multiples façons qu’il y a une puissance de vie spirituelle en lui. Telle devrait être notre contemplation perpétuelle entre nous, les humains. Cela nous empêcherait de commettre beaucoup de péchés. Le corps d’un homme dit toujours quelque chose de son âme. Ce qui lui arrive rejaillit dans l’âme, et vice-versa. Ainsi voit-on l’effet d’une grande tristesse, d’une grande peur, d’une grande joie, sur le corps ; ne parle-t-on pas du regard pénétrant des saints ? Dans l’autre sens, violenter le corps, c’est aussi toujours violenter l’âme, violenter l’image de Dieu sur terre, et même le tabernacle de Dieu quand il s’agit de chrétiens. Car saint Paul l’affirme : nous sommes par le baptême les « temples du Saint-Esprit »[1]1Co 6, 19. Nous enfermons, comme un tabernacle, Dieu tout-puissant et trois fois Saint en notre âme en état de grâce. Notre corps doit toujours être au niveau de cette réalité : serviteur de l’âme, elle-même servante de Dieu. C’est pourquoi il faut bien s’habiller, modestement et honnêtement, se soigner mais pas trop, être propre mais pas trop, sentir bon mais pas trop, être le plus digne possible, pour Dieu beaucoup, pour le prochain un peu. Pas de jansénisme coincé ni de vulgarité, pas de culte du corps ni de mépris du corps, aucun défaut, aucun excès : telle est la vertu, une modération passionnée, ardemment désirée, en toute chose.
Qu’est ce que la chasteté ?
La chasteté est la vertu qui modère les appétits sexuels, et qui les perfectionne en leur permettant d’être maîtrisés par une raison droite, un jugement sûr. Les plaisirs dans cet ordre sont nombreux, très attirants, extrêmement médiatiques et contemporains. Combien de d’atteintes à la chasteté dans les films, les publicités, les divertissements, les réseaux sociaux, les moyens de communication, les groupes d’amis ! Beaucoup de choses sont faites aujourd’hui pour nous séduire, nous donner envie de laisser libre cours à l’exercice de notre appétit sexuel, sans grande nuance, sans grande imagination, sans vertu modératrice. La société encourage allègrement la plus grande liberté sexuelle possible. Il n’est même par rare que les prêtres confesseurs relativisent largement les péchés contre la chasteté. Sous prétexte d’accompagner charitablement les chrétiens fragiles, on infantilise les fidèles. On leur explique qu’il y a beaucoup de pulsions là-dedans, et on oublie que l’on a affaire à des hommes et des femmes responsables de leurs actes. C’est criminel mes frères : car on empêche ainsi les âmes et les corps de devenir adultes ; d’acquérir par la force des moyens spirituels, de la grâce, des sacrements, de la prière, des sacrifices et de la pénitence, les vertus splendides que Dieu a créées pour surmonter le désordre causé par le péché originel. Nous ne sommes pas des bêtes, mes amis, soumis à des instincts, à des pulsions qui commandent nos actes et nos appétits ! Nous avons tous les moyens nécessaires, mes frères, pour vaincre, d’ici notre mort, les dérèglements de nos vies. Comprenez-moi bien : il ne s’agit pas d’ignorer la force des addictions, des dépendances psychologiques et physiques, la puissance des blessures qui s’expriment parfois en creux dans le péché ; le prêtre qui confesse, le conseiller humain ou spirituel doit toujours se le rappeler pour ne pas écraser son prochain sous un fardeau trop lourd à porter. Mais il s’agit de rappeler au pécheur qu’il n’est jamais seul, jamais, sauf s’il le veut ; et alors c’est de sa faute s’il est seul. Évidemment qu’il est seul, le pécheur englué dans ses fautes, qui ne se confesse pas chaque semaine, qui n’adore jamais Dieu dans les tabernacles, qui communie sans s’assurer d’être en état de grâce, par respect humain, par crainte de l’humiliation, par légèreté intellectuelle. Il est seul, celui-là qui ne demande pas conseil aux experts, prêtres, psychologues, religieux ; celui-là qui ne prend aucune décision et n’accepte pas d’être accompagné dans ses fragilités, celui-là est seul, très seul, il pense qu’il ne peut pas s’en sortir. Et il y a une mauvaise nouvelle pour lui : c’est de sa faute.
Nous ne sommes jamais seuls
Non, nous ne sommes jamais seuls dans notre faiblesse. Dieu est toujours plus fort que le mal, toujours, en toute circonstance. À toi, homme, femme, de répondre « oui » à son invitation. À toi de demander, d’implorer l’aide de Dieu tout-puissant. Où cela ? Dans le confessionnal, dans la messe et dans l’adoration d’une part. Chaque semaine, le chrétien combattant doit revenir se ressourcer devant l’Éternel, dans la présence réelle et s’il le faut, dans son pardon infini qu’il donne à tous les hommes contrits. Au-delà des sacrements, venez quémander les conseils spirituels auprès des prêtres, des religieux, des religieuses ; ne vous lassez pas de demander, de prendre des rendez-vous. Cela ne concerne pas que les adolescents, mais vous aussi, chrétiens adultes, célibataires et mariés ! Comme il est triste pour le prêtre d’entendre des hommes et des femmes déposer leur fardeau dans le confessionnal sans jamais prendre de moyens à l’extérieur. Chacun de nous doit être aidé, accompagné, entouré, conseillé, au plus juste, au plus près, s’il veut triompher de ses péchés et s’élever plus haut, dans la vraie liberté de l’amour de Dieu et du prochain. Il nous revient de prendre les bons moyens pour nous-mêmes. Nous n’avons pas d’obligation de résultat, mais nous avons clairement obligation de moyens ! Il n’y a pas d’exception, quel que soit l’état de vie, chasteté toujours. On doit avoir des relations chastes, des amitiés chastes, des touchers chastes, des regards chastes, des lectures chastes, des pensées chastes. Si vous avez un doute, ouvrez le Catéchisme de l’Église catholique ; lisez les chapitres qui répondent à vos questions, c’est votre devoir. Puis, pour des réponses ciselées, adaptées finement à votre vie concrète à vous, venez demander conseil, au prêtre que vous jugez apte, ou bien à tout homme en qui vous avez confiance pour vous guider.
La chasteté : une vertu pour tous
La chasteté est pour tous. Comme on va pouvoir bientôt s’en rendre compte au printemps, combien de relations désordonnées dans la jeunesse ! Les adolescents, les jeunes hommes et les jeunes filles ne savent plus comment se tenir. Ils confondent la petite étincelle de sentiment amoureux avec l’amour authentique, et se croient autorisés par le fait même à poser des actes que seuls des mariés à l’amour éprouvé par les années de fréquentation chaste et de fiançailles chastes peuvent poser avec sérieux et profondeur. Il ne vient pas à l’idée des jeunes de se renseigner avant d’agir. En toute autre chose, ils vont demander des conseils éclairés : à leurs professeurs dans les matières scolaires, à leurs entraîneurs dans les matières sportives, à leurs parents dans les affaires de la vie. Mais, quand il s’agit de la conduite morale à tenir en toute circonstance, ils pensent qu’ils sont mûrs et qu’ils savent « gérer ». Cela pourrait être mignon, ou seulement ridicule, si les conséquences n’étaient pas si catastrophiques : infidélités, inconstance, dépression, violence, colère, dépendances sexuelles en tout genre, regards, gestes déplacés etc… Beaucoup de jeunes arrivent aujourd’hui à l’âge adulte très abîmés par leur manque de chasteté. Ils ne savent plus aimer, ils ne savent plus se comporter en société, ils sont excessifs en beaucoup de choses : alcool, argent, envies, colères, frustrations… Croyez-vous que par une grâce magique, ces jeunes arriveront au mariage avec un corps et une âme solides ? Croyez-vous que les problèmes rencontrés depuis des années ne continueront pas dans le mariage ? Bien sûr que si. Aucun sacrement ne nous guérit de nos blessures, de nos fragilités. Il nous aide à les combattre, à les maîtriser, mais elles restent là, ces blessures que l’on s’est infligé à nous-même par les mauvaises expériences de notre passé. Alors soyons fermes dans le combat, prenons les armes, les bonnes armes : pénitence, prière, jeûnes, sacrements, conseils, amitiés.
Combattez, Dieu donnera la victoire
Tous ces péchés, mes frères, empêchent pour une grande part l’émergence d’une génération de saints. C’est pourquoi il nous revient de travailler à la faire advenir. Encore une fois, non pas par une victoire totale qui n’est pas de notre ressort, mais par des moyens fermes, assurés, solides, enthousiasmants. « Combattez, Dieu donnera la victoire »[2]Paroles attribuées à sainte Jeanne d’Arc, reprenant 1Co 15, 57. À nous de développer ces moyens, de les demander à ceux qui les connaissent ; demandons que l’on nous forme à la pudeur, à la prudence, à la tendresse, à la délicatesse, à la force, à la beauté, bref, à la chasteté. Un jour, nous serons aussi purs, aussi rayonnants, que Jésus transfiguré sur la montagne. Nous serons, à la résurrection des corps, transfigurés dans la pureté de la lumière divine. Cette rencontre inouïe que nous désirons tous (car nous désirons tous aimer et être aimé pour toujours), elle se prépare maintenant par la pratique courageuse d’une vie chaste. Dieu ne nous a pas appelés à l’impureté, mais à la sainteté, affirme saint Paul. Courage, mes frères, prions, invoquons la Sainte Vierge, formons nos intelligences, demandons conseil dans le secret du confessionnal ou dans une discussion profonde. Quand notre intelligence sera convaincue, quand notre volonté choisira la pureté jusqu’au sacrifice s’il le faut, alors nous serons proches de la grande sainteté qui nous mènera au Ciel tout droit.
Références[+]
↑1 | 1Co 6, 19 |
---|---|
↑2 | Paroles attribuées à sainte Jeanne d’Arc, reprenant 1Co 15, 57 |