Barthélémy, l’apôtre que l’Eglise fête aujourd’hui, était parfois appelé Nathanaël. Simon, surnommé Pierre, Judas était connu aussi sous le nom de Thaddée ; pour certains Matthieu se faisait aussi appeler Lévi… Voilà qui fait beaucoup de noms pour douze apôtres… prenons le temps de revenir sur une donnée que l’on accepte souvent sans réfléchir : étaient-ils vraiment douze ?
Il y a trois personnes en Dieu. Il y a sept sacrements. Il y a douze apôtres… Notre foi chrétienne comporte quelques affirmations bien solides, que le catéchisme nous a transmises fidèlement et qui nous semblent aussi assurées qu’élémentaires. Pourtant, une recherche approfondie oblige à réviser quelque peu nos certitudes. Si une partie d’entre elles sont dogmatiques et bien établies, d’autres s’avèrent plus subtiles et il est toujours bénéfique de travailler nos sources, pour distinguer ce qui dans notre foi relève de la Tradition, ou seulement des traditions.
Tradition et traditions
On découvrira alors que saint Paul n’est pas tombé « de cheval » sur la route de Damas : cette idée apparaît au XIIe siècle dans l’iconographie, mais elle ne se trouve pas dans l’Écriture. Ou bien on se rappellera par exemple que dans les Évangiles, on n’apprend ni le nombre, ni le nom des mages venus adorer l’enfant Jésus, et qu’il n’est pas affirmé qu’ils étaient rois. On n’y lit pas davantage le nom des parents de la Sainte Vierge (Joachim et Anne), ni celui de Véronique, la femme qui essuie le visage du Christ sur le chemin du Calvaire. Ces informations, dont certaines ont été validées par la Tradition de l’Église, nous viennent généralement de documents apocryphes.
Douze apôtres : Tradition ou tradition ?
Une question plus complexe mérite une petite étude : les apôtres étaient-ils bien douze ?
– Paul parle des apôtres en un sens très large (par exemple en 1 Co 15,3-7).
– Marc n’utilise le mot apôtre qu’une seule fois (Mc 6,30) mais sans précision du nombre.
– Matthieu mentionne une fois les « douze apôtres » (Mt 10,2). C’est la seule occurrence en Matthieu de la précision que les Douze sont des apôtres.
– En Luc, les douze apôtres semblent bien distingués du reste des disciples (cf. Lc 6,13). Mais le reste de Luc est moins clair, et de même dans les Actes, où après une conception restreinte (Ac 1,22), le texte montre un usage plus large du terme (étendu par exemple à Paul et Barnabé en Ac 14,14).
– Enfin Jean ne désigne pas les disciples comme apôtres.
Une certitude cependant
Il est certain que Jésus a choisi, pour les envoyer en son nom, douze personnes parmi tous ses disciples, comme l’atteste Paul : « il a été vu de Kephas, puis des Douze » (1 Co 15,5). Curieusement, cela met à part Kephas (c’est-à-dire Pierre). En toute logique, il aurait fallu écrire : « Pierre et les dix », Pierre faisant partie du groupe et Judas l’ayant quitté. Cependant, la formule utilisée par Paul s’explique si l’expression « Douze » était un usage consacré dans l’Église primitive, en raison de son fort symbolisme (en rapport avec les douze tribus d’Israël, et les douze émissaires envoyés par Moïse pour explorer la Terre promise), et si on comprend qu’il voulait souligner l’autorité de Pierre.
Solution raisonnable : « apôtres » en deux sens
On peut donc estimer, à la lumière de Luc en particulier, que l’Église primitive admettait deux acceptions du terme « apôtre » :
– une stricte : « les Douze », c’est-à-dire les douze principaux disciples.
– une large : les Douze, leurs collaborateurs et leurs successeurs. Tous étaient des « envoyés », selon l’étymologie du mot grec apostolos (que l’on doit comprendre à la lumière du terme hébreu shaliah, désignant dans l’Ancien Testament un envoyé qui rend présent celui qui l’envoie).
Ce double sens reste toujours valable aujourd’hui. Au sens strict, on désigne par apôtres les douze premiers. Mais au sens large, tout chrétien est apôtre, donc envoyé en mission, en vertu des sacrements de baptême et de confirmation.
Pour une étude approfondie : Jacques Schlosser, Le groupe des Douze. Les lueurs de l’histoire, Paris, Editions du Cerf, 2014.
Douze apôtres ?
Barthélémy, l’apôtre que l’Eglise fête aujourd’hui, était parfois appelé Nathanaël. Simon, surnommé Pierre, Judas était connu aussi sous le nom de Thaddée ; pour certains Matthieu se faisait aussi appeler Lévi… Voilà qui fait beaucoup de noms pour douze apôtres… prenons le temps de revenir sur une donnée que l’on accepte souvent sans réfléchir : étaient-ils vraiment douze ?
Il y a trois personnes en Dieu. Il y a sept sacrements. Il y a douze apôtres… Notre foi chrétienne comporte quelques affirmations bien solides, que le catéchisme nous a transmises fidèlement et qui nous semblent aussi assurées qu’élémentaires. Pourtant, une recherche approfondie oblige à réviser quelque peu nos certitudes. Si une partie d’entre elles sont dogmatiques et bien établies, d’autres s’avèrent plus subtiles et il est toujours bénéfique de travailler nos sources, pour distinguer ce qui dans notre foi relève de la Tradition, ou seulement des traditions.
Tradition et traditions
On découvrira alors que saint Paul n’est pas tombé « de cheval » sur la route de Damas : cette idée apparaît au XIIe siècle dans l’iconographie, mais elle ne se trouve pas dans l’Écriture. Ou bien on se rappellera par exemple que dans les Évangiles, on n’apprend ni le nombre, ni le nom des mages venus adorer l’enfant Jésus, et qu’il n’est pas affirmé qu’ils étaient rois. On n’y lit pas davantage le nom des parents de la Sainte Vierge (Joachim et Anne), ni celui de Véronique, la femme qui essuie le visage du Christ sur le chemin du Calvaire. Ces informations, dont certaines ont été validées par la Tradition de l’Église, nous viennent généralement de documents apocryphes.
Douze apôtres : Tradition ou tradition ?
Une question plus complexe mérite une petite étude : les apôtres étaient-ils bien douze ?
– Paul parle des apôtres en un sens très large (par exemple en 1 Co 15,3-7).
– Marc n’utilise le mot apôtre qu’une seule fois (Mc 6,30) mais sans précision du nombre.
– Matthieu mentionne une fois les « douze apôtres » (Mt 10,2). C’est la seule occurrence en Matthieu de la précision que les Douze sont des apôtres.
– En Luc, les douze apôtres semblent bien distingués du reste des disciples (cf. Lc 6,13). Mais le reste de Luc est moins clair, et de même dans les Actes, où après une conception restreinte (Ac 1,22), le texte montre un usage plus large du terme (étendu par exemple à Paul et Barnabé en Ac 14,14).
– Enfin Jean ne désigne pas les disciples comme apôtres.
Une certitude cependant
Il est certain que Jésus a choisi, pour les envoyer en son nom, douze personnes parmi tous ses disciples, comme l’atteste Paul : « il a été vu de Kephas, puis des Douze » (1 Co 15,5). Curieusement, cela met à part Kephas (c’est-à-dire Pierre). En toute logique, il aurait fallu écrire : « Pierre et les dix », Pierre faisant partie du groupe et Judas l’ayant quitté. Cependant, la formule utilisée par Paul s’explique si l’expression « Douze » était un usage consacré dans l’Église primitive, en raison de son fort symbolisme (en rapport avec les douze tribus d’Israël, et les douze émissaires envoyés par Moïse pour explorer la Terre promise), et si on comprend qu’il voulait souligner l’autorité de Pierre.
Solution raisonnable : « apôtres » en deux sens
On peut donc estimer, à la lumière de Luc en particulier, que l’Église primitive admettait deux acceptions du terme « apôtre » :
– une stricte : « les Douze », c’est-à-dire les douze principaux disciples.
– une large : les Douze, leurs collaborateurs et leurs successeurs. Tous étaient des « envoyés », selon l’étymologie du mot grec apostolos (que l’on doit comprendre à la lumière du terme hébreu shaliah, désignant dans l’Ancien Testament un envoyé qui rend présent celui qui l’envoie).
Ce double sens reste toujours valable aujourd’hui. Au sens strict, on désigne par apôtres les douze premiers. Mais au sens large, tout chrétien est apôtre, donc envoyé en mission, en vertu des sacrements de baptême et de confirmation.
Pour une étude approfondie : Jacques Schlosser, Le groupe des Douze. Les lueurs de l’histoire, Paris, Editions du Cerf, 2014.