Après avoir appris la garde du cœur puis être entrés dans l’économie du don, nous cherchons dans ce troisième temps de l’école de prière à discerner Dieu dans notre vie.
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Lors de la première série d’entretiens, nous nous sommes concentrés sur la « garde du cœur », source de paix et opération nécessaire pour se dépouiller de son péché et de son imaginaire.
Lors de la seconde série d’entretiens, nous avons vu que le Christ initiait l’économie du don et que notre progression vers Dieu était conditionnée par le don de nous-même jusqu’au déséquilibre, c’est à dire donner le principal et pas seulement le superflu.
Dans cette dernière série d’entretiens, nous voyons que l’acceptation sans révolte de nous-même et des circonstances qui nous entourent, comme permis par Dieu est le préalable à la rencontre avec la Trinité.
Dans la Bible beaucoup de figures emblématiques se définissent par rapport à leur privation
- Sarah inféconde malgré la promesse
- Abraham et son départ initial, puis sa grande épreuve du sacrifice d’Isaac
- Moïse criminel en exil
- Jérémie privé de mariage
- Élisabeth également stérile
- L’aveugle de naissance
- Les paralytiques de l’Évangile
- La femme hémorroïsse
- Les lépreux guéris par Jésus
- Paul et son « écharde dans la chair »
Comme si leur privation constituait leur identité.
Pour les juifs de l’époque du Christ, ces privations sont d’ailleurs à comprendre comme le salaire du péché, comme une élection en négatif.
Les contrariétés de la vie quant à nos aspirations profondes nous donnent l’impression de forger notre identité et nous conduisent à une forme de raidissement intérieur. Sarah a pour identité son infécondité. Celui ou celle qui est laid, malade, porte cette souffrance comme son identité. Dans notre expérience personnelle, il y peut y avoir des aspirations profondes légitimes qui se trouvent totalement contrariées. Il peut s’en suivre le sentiment profond du silence voire de l’indifférence de Dieu à notre égard. Ce sentiment aigu d’imperfection, d’emprisonnement est source d’une angoisse profonde qui creuse et qui ronge et d’un sentiment de sur-place indéfini dans le temps, avant l’absurde de la mort.
Le premier pas vers Dieu correspond à une libération de sa prison intérieure. L’acceptation de sa propre pauvreté. Ce temps d’angoisse et de dépouillement est un temps de préparation beaucoup plus riche qu’il y paraît. C’est le temps de la perception vécue de l’altérité de Dieu et de sa propre pauvreté. La réalisation que tout seul on ne peut pas grand-chose car nous ne sommes pas Dieu, ni les favoris de Dieu par héritage quoi que nous fassions.
L’acceptation sans révolte de ce que Dieu nous donne ou permet pour nous, est un pas initial important, une barrière psychologique à franchir, en dépit de la difficulté.
J’ajouterais que la durée de cette étape dépend pour partie de nous, de notre acceptation humble.
Textes :
« Ainsi l’homme est pris au piège dès l’attaque du prince des démons. N’ayant pas observé l’ordre du Démiurge, il est dépouillé de la grâce, privé de la familiarité de Dieu, couvert de la rudesse d’une vie pénible (ce sont là les feuilles de figuier) et enveloppé de nécrose, c’est-à-dire de la mort et de l’épaisseur opaque de la chair (c’est là la vêture de peau). Le voilà expulsé du paradis par le juste jugement de Dieu, condamné à mort, soumis à la corruption. Et celui qui lui avait donné l’être et la grâce du Bien dans l’être, au lieu de le mépriser a souffert avec lui. À de multiples reprises il l’a tout d’abord enseigné et appelé à se repentir, par des pleurs et des tremblements, par un déluge d’eau et la malédiction de tout le genre humain, par la confusion et la séparation des langues, soit avec des anges qui le surveillaient, des embrasements de villes, des symboles théophaniques, des guerres, victoires et défaites, des signes et des prodiges, des forces diverses, par la loi et par les prophètes. Par tout cela était ravivée la flamme de son zèle, effacé un péché qui se répandait partout, traitant l’homme en esclave et ajoutant au tas de misères de sa vie toutes sortes de maux, et enfin était tracée pour l’homme, la voie montant à ce bien dans l’être, dont nous parlions. Mais avec le péché la mort est entrée dans le monde comme une bête féroce et sauvage, saccageant la vie humaine ; il fallait donc que celui qui devait nous délivrer du péché, n’ait pas connu le péché, ni la sentence de mort qui le suit; qu’il ait retendu les nerfs, renouvelé la nature, donné l’exemple, enseigné le chemin de la vertu qui détourne de la corruption et attire à la vie éternelle ; enfin qu’il lui fît voir l’océan immense de l’amour de Dieu pour l’homme. Car le créateur, le Seigneur, s’est chargé lui-même de la lutte, pour l’homme qu’il avait façonné ; il devient son précepteur et l’enseigne par son œuvre ; et, comme l’adversaire a pris l’homme au piège par l’espoir d’être un dieu, il l’attrape lui-même en lui jetant cette chair où il se montre à la fois le Bon, le Sage, le Juste et le Puissant de Dieu. »
(saint Jean de Damas, de la Foi Orthodoxe, III, 1 – Economie et thérapeutiques divines en vue de notre salut).